La durabilité fait intervenir à la fois l'environnement et l'humain au sein d'une économie solidaire et sociale. Nous avons souvent à tort à l'esprit que la durabilité ne fait intervenir que les impacts environnementaux. Il ne faut pas oublier cependant l'aspect sociétal, avec sa création de richesses et le développement de l'humain qui vont largement contrebalancer certains impacts environnementaux négatifs. Dans cette première partie, nous parlerons de l'Economie circulaire et de l'écoconception, des objectifs de durabilité d'une brasserie et des résultats d'impacts concernant la filière bière.

 

Définitions du Développement Durable

 

Le développement durable est un principe de vie : Que vais-je léguer à mes enfants ?

L'homme est au centre des préoccupations dans le respect des générations présentes et futures. La microbrasserie, et l'ensemble de sa filière, est un exemple idéal pour amplifier des actions individuelles et collectives.

L'Académie d'agriculture de France indique que nous sommes actuellement dans la cinquième transition de l'alimentation, marquée par une demande croissante de qualités nutritionnelle, environnementale, sociale et culturelle (oui, culturelle) de l'alimentation. Cette demande entraine un changement en cours du modèle de production et de distribution alimentaire : circuits courts, meilleure qualité (premium), traçabilité, image forte… Tout ceci répond au développement des microbrasseries.

L'étude ACYDU, financée par l'ANR et à laquelle a participé le signataire, montre que la production de vin fait intervenir une chaîne complexe de relations entre de nombreux fournisseurs, prestataires, fournisseurs, clients. Une fabrication, même avec peu d'employés, doit être regardée comme faisant intervenir également tout un ensemble d'activités complémentaires qui participent également à cette création de richesse.

relations producteurs fournisseurs prestataires

 

Quels objectifs peuvent être assignés à une brasserie ?

 

- Assurer la durabilité économique, l'efficience
-- Limiter les surcoûts
- Assurer la durabilité sociale : l'équité
-- Favoriser les liens sociaux
- Respecter les attentes de la Société
-- En diversité culinaire
-- En qualité nutritionnelle et sans risque pour la santé
-- Favoriser la traçabilité
-- Favoriser la transparence
- Assurer la durabilité environnementale
-- Protéger l'environnement (qualités air, eau, sol …)
-- Privilégier les circuits courts
-- Valoriser systématiquement les résidus
-- Minimiser les pertes
-- Réduire les consommations d'énergie et décarboner l'énergie : ne plus émettre de gaz carbonique
-- …
- Assurer la culture et l'éthique
-- Pas d'incitation à la débauche
-- Développer la notion de plaisir lors de la dégustation des bières

 

La brasserie a donc des responsabilités vis-à-vis de la société et de l'environnement. Les deux sont en effet étroitement liés. Le développement durable est la traduction des attentes de la société que la brasserie désireuse d'agir de manière responsable doit prendre en compte.

En conséquence, il convient que la contribution au développement durable soit un objectif essentiel de la brasserie engagée dans une démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Le consommateur a pris conscience de l'empreinte écologique des produits alimentaires, il considère également le repas français comme faisant partie du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. L'enjeu sera de produire une bière de bonne qualité sanitaire irréprochable, sans gaspillage, naturel, abordable économiquement, son emballage assurant sa protection, avec l'empreinte écologique la plus faible possible. L'impact du transport devra également être peu important.

La microbrasserie devient donc un acteur majeur du développement territorial. Les impacts sociaux à étudier sont les suivants (Etude ACYDU, projet de recherche sur la durabilité environnementale sociale et territoriale des produits alimentaires transformés)

impacts sociaux durabilite developpement durable

 

Economie circulaire et écoconception

 

L'économie circulaire fait référence à 3 domaines :

- Offre des acteurs économiques
- Demande et comportements des consommateurs
- Gestion des déchets

 

L'économie circulaire à 7 piliers :


- L'exploitation durable des ressources
L'approvisionnement durable (extraction/exploitation et achats durables) concerne une exploitation efficace des ressources en limitant l'impact sur l'environnement des exploitations agricoles, des emballages ou des énergies utilisées…
- L'écoconception
L'écoconception vise, dès la conception d'un procédé ou d'un service, à prendre en compte l'ensemble du cycle de vie en minimisant les impacts environnementaux
- L'écologie territoriale
L'écologie industrielle et territoriale, dénommée aussi symbiose industrielle, constitue un mode d'organisation interentreprises par des échanges de flux ou une mutualisation des besoins
- L'économie de la fonctionnalité
Elle privilégie l'usage à la possession et tend à vendre des services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes
- L'économie de la fonctionnalité.
Elle peut faire référence par exemple à la location des fûts.
- La consommation responsable,
La consommation responsable doit conduire l'acheteur ou citoyen consommateur, à effectuer son choix en prenant en compte les impacts environnementaux à toutes les étapes du cycle de vie du produit
- L'allongement de la durée d'usage qui ne concerne pas les brasseries
- Le recyclage vise à utiliser les matières premières issues de déchets, difficile également pour les brasseries

 

Une agriculture raisonnée ou l'agriculture biologique sont les piliers de cette démarche, tout comme le traitement en recyclage des emballages.

L'économie circulaire au sein de la brasserie nécessite également de maîtriser l'ensemble des coûts. Le changement des habitudes de consommation, symbolisé par l'explosion de la consommation collaborative et l'uberisation, remet en cause les modèles économiques traditionnels.

La taxe alcool influe sur les tendances de consommation, elle complète en cela la recherche d'un certain bien être pour certains consommateurs (bières faiblement alcoolisées).

La réglementation évolue rapidement sur le champ environnemental, il est nécessaire donc de gérer les risques et de s'adapter aux contraintes environnementales.

Le traitement des effluents ou la recherche de solutions pérennes pour la valorisation des résidus deviennent aujourd'hui des challenges pour les brasseries.

Ainsi, la filière vinicole a mis en place une filière territoriale avec de très nombreuses valorisations en économie circulaire. Il n'existe plus de déchets mais des résidus qui sont tous valorisés : alcools, acide tartrique, huile de pépins de raisin, polyphénols, engrais, aliments du bétail…

economie circulaire brasserie

Source : Franck Jolibert, UNDV

Afin de pouvoir comparer les différents modes de production, un outil de comparaison est nécessaire. L'analyse de cycle de vie (ACV) le permet. L'ACV est une méthode de référence (ISO 14 040/44) pour évaluer les impacts environnementaux d'un produit ou d'un procédé. L'évaluation prend en compte l'ensemble des étapes du cycle de vie du produit de l'extraction des matières premières jusqu'à sa fin de vie. Elle ne se limite pas au seul impact climatique mais à tout un ensemble d'impacts, pouvant se regrouper dans 5 dommages principaux déclinés dans le schéma ci-dessous : la santé humaine, l'environnement naturel biotique, l'environnement anthropique, l'environnement naturel abiotique et la protection des ressources naturelles.

impacts environnementaux ressources production

 

Le Bilan Carbone, quant à lui, se focalise uniquement sur l'impact climatique.

 bilan carbonne produits

Source : Ministère de l'Ecologie du Développement et de l'Aménagement Durable, Jean-paul Vertère

 

 

Résultats d'impacts concernant la filière bière

 

Les étapes du process sont toutes détaillées afin de pouvoir déterminer les impacts de chacune d'elles en y incluant :
- Les consommations d'énergie,
- Les intrants nécessaires (produits nécessaires, matières premières...) et
- Les extrants : résidus, rejets atmosphériques, rejets aqueux…

L'activité doit être découpée et l'ensemble des intrants et sortant comptabilisé.

intrants fabrication biere

extrants fabrication biere

Intrants et extrants lors de la fabrication de la bière et du conditionnement. Ces découpages sont tirés de l'étude « Life cycle assessment of beer production in Greece (C. Koroneos)"

L'unité de référence, appelé unité fonctionnelle (UF), est très souvent la consommation d'1 litre de bière ou la production d'une bouteille de bière de 75 cl ou 33 cl.

L'orge a un facteur d'émission de 559 kgeCO2/tonne, l'orge maltée possède un facteur d'émission de 818 kgeCO2/tonne (EcoInvent v2.2).

Ces études sont en général difficiles à comparer entre elles car pouvant faisant référence à une unité fonctionnelle différente ou à des périmètres différents. Cependant, toutes les tendances sont cohérentes entre elles. Les résultats sont en général donnés en pourcentage.

Pour l'unité fonctionnelle « bouteille de verre 75 cl », nous pouvons nous rendre compte que les principaux impacts proviennent de l'amont agricole et du conditionnement;

impact changement climatique bouteille biere

Le conditionnement est le poste prépondérant, l'amont agricole ressort principalement sur l'eutrophisation et l'écotoxicité. Les étapes de fabrication de la brasserie peuvent ressortir comme assez négligeables sur l'ensemble des indicateurs.

Une autre étude « analyse du cycle de vie d'une bière blonde belge artisanale (Raphaëlle P. Melon) » montre deux tendances selon que les emballages sont réutilisés ou bien à usage unique. Pour les scénarios à usage unique, l'étape la plus pénalisante est l'emballage avec une contribution de 86,6 % des impacts environnementaux pour le fût et 72,17 % pour la bouteille.

Dans le cas d'une réutilisation des emballages, à savoir 9,2 fois pour la bouteille et 53,5 fois pour le fût, la tendance change et c'est la culture de l'orge qui représente alors l'étape la plus pénalisante avec une contribution de 57,5 % et 70 % respectivement pour la bouteille et le fût. On constate que la contribution environnementale des étapes internes à la brasserie, la production à proprement dite de la bière, reste faible avec un maximum de 20 % de l'étude globale.

L'étude "An overview of sustainability challenges in beer production, and the carbon footprint of hops production" de Dean G. Hauser et Thomas H. Shellhammer  (Department of Food Science and Technology, Oregon State University, Corvallis, OR, U.S.A.) étudie l'impact du houblon. Elle donne une valeur de 3.5 à 5.5 kg of CO2e par kilogramme de houblon ainsi que les valeurs suivantes : 8-12 kWh, 5hl d'eau, 150 MJ (42 kWh) d'énergie pour produire 1 hl de bière plus 13.6 kg de drêches et 4 kg de levures. L'impact CO2 est dû pour 40% à 50% due aux emballages, et pour 22% aux matières premières (principalement orges : 0.91 kg de CO2e par kg de malt). Le houblon d'une bière contenant 110 g de houblon /hl représente 0,2% de l'empreinte carbone totale de la bière. Le houblon d'une bière IPA avec 1,1 kg / hl de bière représenterait 2% de l'empreinte carbone totale. L'étape la plus impactante étant alors le séchage du houblon (30 à 50 %) suivi par le machinisme agricole nécessaire (de 10 à 40%), les produits de traitement de culture variant de 1 à 20%).

L'écoconception (ou "éco-conception") est le nom donné aux domaines de la recherche et développement et de l'ingénierie technique visant à produire des biens de consommation qui sont conçus (dès l'amont) pour limiter leurs impacts environnementaux. L'approche est supposée globale avec la prise en compte de tout le cycle de vie du produit et de tous les critères environnementaux (ADEME).

La démarche peut être exhaustive (prenant en compte toutes les étapes de la fabrication de la bière, et l'ensemble des critères) ou sélective : ensemble des étapes mais avec le seul impact climatique par exemple, ou des investigations focalisées sur certaines critères à certaines étapes (c'est qui est souvent le cas, car cela permet d'avancer à petit pas, communiquer de façon importante et forte mais uniquement sur des petits aspects (greenwashing)).

 

Les impacts actuellement définis dans la base Agribalyse de l'ADEME pour une bouteille de bière sont les suivants :

Bière "de spécialités" ou d'abbaye, régionales ou d'une brasserie (degré d'alcool variable) :

0.12 par kg de produit (vin rouge 12%vol : 0.18 par kg de produit ; lait demi écrémé UHT : 0.13 par kg de produit)

Sans unité, plus le score est bas plus son impact sur l'environnement est faible. Ce score unique est une moyenne pondérée des 14 indicateurs (voir tableau ci-dessous), calculé selon la méthodologie européenne « PEF » (Product Environmental Footprint). Le DQR est de 3.07

(Ce chiffre correspond au "Data Quality Ratio" (DQR), il indique le niveau de confiance que l'on peut avoir dans le score. Plus le DQR est proche de 1, plus la donnée est fiable ; plus la valeur se rapproche de 5, plus le score rend compte d'une incertitude importante. Une donnée avec un DQR >= 4 est considérée comme peu fiable.)

Détail concernant le changement climatique : 1.09 kg CO2 eq/kg de produit

La Répartition des impacts selon les étapes du cycle de vie est la suivante :

 

Agriculture

6.8 %

 

Transformation

25.7 %

 

Emballage

41.7 %

 

Transport

16.6 %

 

Supermarché et distribution

7.1 %

 

Consommation

1.9 %

 

Les différents indicateurs obtenus dans le cadre de cette analyse du cycle de vie sont les suivants :

  Indicateur Mesure Unité
  Score unique EF 0.12 mPt/kg de produit
  Changement climatique 1.09 kg CO2 eq/kg de produit
  Appauvrissement de la couche d'ozone 0.28 E-06 kg CVC11 eq/kg de produit
  Rayonnements ionisants 0.62 kBq U-235 eq/kg de produit
  Formation photochimique d'ozone 3.61 E-03 kg NMVOC eq/kg de produit
  Particules 0.09 E-06 disease inc./kg de produit
  Acidification terrestre et eaux douces 0.01 mol H+ eq/kg de produit
  Eutrophisation terrestre 0.02 mol N eq/kg de produit
  Eutrophisation eaux douces 0.19 E-03 kg P eq/kg de produit
  Eutrophisation marine 2.1 E-03 kg N eq/kg de produit
  Utilisation du sol 19.85 Pt/kg de produit
  Écotoxicité pour écosystèmes aquatiques d'eau douce 20.47 CTUe/kg de produit
  Épuisement des ressources eau 0.37 m3 depriv./kg de produit
  Épuisement des ressources énergétiques 25.48 MJ/kg de produit
  Épuisement des ressources minéraux 2.77 E-06 kg Sb eq/kg de produit

 

Nous pouvons proposer une liste d'actions pour permettre des réductions tout au long de la filière :

actions developpement durable biere brasserie

 

Franck Jolibert, ingénieur ENSAIA, a travaillé deux axes majeurs tout au long de sa carrière : l'environnement (énergie, économie circulaire, valorisation des sous-produits...) et les boissons alcoolisées (bières, alcools, vins...). Ceci l'a amené à développer une expertise reconnue dans les domaines de l'énergie et de la sécurité technologique tout en se spécialisant dans le travail des céréales et des sucres, la fermentation et la distillation.

Seconde Partie : Application aux microbrasseries

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