Microbrasseries et microdistilleries possèdent de nombreux liens communs :

- Le travail des céréales
- Le savoir-faire lié au travail lors du brassage et de la maîtrise de la fermentation (levurienne et pourquoi pas lactique),
- La créativité avec des champs aromatiques très ouverts
- Le terroir culturel avec des ressources locales (voir l'article concernant le développement durable paru dernièrement sur le site)
- Des installations authentiques à la dimension modeste sur un marché local
- "Le whisky français comme la bière artisanale répond aux interrogations de l'époque : des produits en circuit court, traçables, transparents et souvent bio'' (en partie par Matthieu Acar)

Ne manquent finalement, pour une chaîne technologique complète, que les parties techniques suivantes

- La distillation (double passe ou charentais, continue, armagnacais…),
- La maturation ou vieillissement en fûts de bois et les assemblages si nécessaire.

Donc avec un investissement faible, il est possible d'élargir de façon importante sa gamme de produits dans la continuité permanente du travail des céréales. Les deux métiers sont très imbriqués avec comme exemple des whiskys vieillis en fût de bière, et des bières fermentées dans des fûts de whisky.

Il ne s'agit pas de produire un whisky en France, mais bien de créer une eau-de-vie qui appartienne à sa région, avec une large ouverture des possibilités de production. Contrairement aux autres régions typiques du whisky qui considèrent que le vieillissement et l'eau de réduction sont responsables de l'aromatique du whisky, le signataire pense que le travail des céréales ainsi que la fermentation sont d'une importance primordiale pour cette aromatique.

Avoir un double métier est possible si le volume de vente des spiritueux est restreint. En effet, au-delà d'un certain seuil, il sera nécessaire de choisir entre l'un de ces deux métiers (les réseaux de distribution et l'organisation des ateliers devenant alors trop différents). Nous nous focaliserons essentiellement dans cet article au complément de gamme que représente le whisky par rapport à la brasserie, nouveau défi d'entreprise.

 

Objectif

L'objectif principal du brasseur est la diversification de son activité pour compléter ses revenus (avec la même organisation commerciale, donc sans surcoût), ainsi qu'une optimisation de sa communication et de l'image de sa brasserie. Nous n'aborderons pas la question des droits sur l'alcool et des contrôles par les services des Douanes et la DGCCRF ; le brasseur ayant déjà une certaine habitude de ces contraintes, plus strictes avec les spiritueux.

 

Stratégies

 

Il faut tout d'abord s'affranchir de ce qui existe et partir sur du non traditionnel, un travail sans code (brassage de différentes céréales (seigle, blé, maïs, épeautre, sarrasin…), nouvelles levures de fermentation, formes d'alambic variées tout en respectant une forme simple et discontinue, un choix large des fûts de vieillissement (versus vin, car nous sommes dans le pays du vin), et des conditionnements innovants…

Bien sûr, il est sans doute préférable de s'orienter au départ sur une production de single malt, fortement réglementée (100% malt d'orge, une seule distillerie, distillation simple discontinue), reconnaissable immédiatement par le consommateur moins averti, sur un marché premium et très tendance. La fabrication est plus simple et plus accessible.

L'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a attribué deux indications géographiques aux whiskys français : Whisky d'Alsace et Whisky breton. Chacun bénéficie d'une aire géographique délimitée et d'un cahier des charges qui impose que l'alcool ne soit élaboré qu'à partir d'orge maltée non OGM, d'eau et de levures, distillé et vieilli dans sa région de production au moins trois ans. Aucun colorant n'est toléré, pas même le caramel. La mention d'âge n'est possible qu'à partir de six ans de vieillissement minimum.

Cependant cette production devra être assez vite complétée par d'autres recettes afin d'élargir les gammes de parfums et les originalités gustatives pour optimiser les ventes ; y compris par des blends qui seront moins onéreux pour le consommateur (mélange d'alcools y compris d'une distillation en continu).

L'origine de ce phénomène au sein des microbrasseries fut, il y a plus de 20 ans, une valorisation des bières de mauvaise qualité (contaminations lactiques, pas les bières soufrées ou au goût moisi) et des retours de fûts ;  avec une distillation effectuée avec un distillateur ambulant ou une sous-traitance extérieure, très vite complétée avec des brassins spécialement produits en hiver durant la période morte pour augmenter les volumes  distillés et ainsi mieux amortir le déplacement, avant d'investir par la suite dans un alambic.

Il ne faut pas oublier cependant l'investissement global que cela nécessite : en effet le vieillissement comme vous devez le savoir est de 3 ans. Pour l'appellation whisky les recettes financières viendront donc au minimum 3 ans après la réalisation de la production. La brasserie doit pouvoir assurer cette trésorerie. Le plus simple pour démarrer sera donc de faire travailler un distillateur local, puis de faire vieillir chez soi l'alcool durant 3 ans, avec un large choix de fûts (sherry, vins, alcools…) pour obtenir des assemblages d'alcools doux, épicés, astringents …

Vous pouvez également commercialiser beaucoup plus rapidement des eaux-de-vie de céréales et des gins (très tendance actuellement) pour permettre d'alléger la trésorerie de l'entreprise et lancer la communication. Le marché du gin est ausi en plein réveil (notamment pour l'aspect local avec des plantes naturelles du cru).

En travaillant les matières premières, surtout le blé et l'épeautre, il est possible d'obtenir des eaux-de-vie vieillies 6 mois de très haute qualité. Celles-ci accompagnent bien la consommation de bière d'ailleurs (beer schnapps). D'autres possibilités existent : eau-de-vie de bière (Bierbrand), vodka, alcool de fruits ou de marc … (du moment que l'alambic est disponible sur place). La commercialisation de single cask (ou sigle barrel) est la plus facile à gérer, tout en permettant une multiplication des évènements au niveau de la structure.

 

Marché

 

Les Français consomment 193 millions de litres de whiskies, ce qui représente près 39% du chiffre d'affaires des spiritueux vendus en grandes surfaces et 28% des volumes. D'après la Scotch Whisky Association, la France reste le premier marché, en volume.  En 2019, les Français ont ainsi importé 173 millions de bouteilles. Parmi ces whiskies, plus des trois quarts sont des blends. La France reste tout de même le premier marché mondial de single malts. Il est consommé en moyenne 5 litres de whiskies (tous genres confondus) par an et par foyer.

La production nationale représente aujourd'hui l'équivalent de plus de 7 millions de bouteilles (https://avis-vin.lefigaro.fr/spiritueux/o148296-le-whisky-francais-a-maturite). 31 % est le pourcentage de Français qui déclarent avoir acheté du whisky au cours des douze derniers mois d'après le Baromètre Whisky Live Paris 2019/Ipsos. Un chiffre qui monte à 43 % sur la base des hauts revenus.

 

Historique

 

Les boissons fermentées sont connues depuis l'antiquité : vin et bières, hydromel, kvass et kéfir… La distillation était connue des Égyptiens à qui l'on doit le premier alambic appelé trivique. Les Arabes ont ensuite appris des Égyptiens la distillation, mais elle ne fut connue en Europe qu'à partir du 12e siècle. En France, Arnold de VILLENEUVE fut le premier chimiste à écrire un traité de distillation vers 1240. Ainsi, la technique de la distillation est récente contrairement à celle du brassage.

 

Définition du Whisky ou whiskey (RÈGLEMENT (UE) 2019/787)

Boisson spiritueuse obtenue exclusivement :
1) par distillation d'un moût de céréales maltées avec ou sans les grains entiers d'autres céréales, qui a été :
- saccharifié par la diastase du malt qu'il contient, avec ou sans autres enzymes naturelles,
- fermenté sous l'action de la levure ;
2) après une ou plusieurs distillations à moins de 94,8 % vol, de telle sorte que le produit de la distillation ait un arôme et un goût provenant des matières premières utilisées,
3) après vieillissement du distillat final pendant une période minimale de trois ans dans des fûts de bois d'une capacité inférieure ou égale à 700 litres.

Le distillat final, qui ne peut être additionné que d'eau et de caramel ordinaire (pour la coloration), conserve la couleur, l'arôme et le goût obtenus par le processus de production visé aux points 1), 2) et 3).
Le whisky ou whiskey ne doit pas être édulcoré ou aromatisé ni contenir aucun additif autre que le caramel ordinaire utilisé pour la coloration.
En France, le whisky "single malt" est réservé au whisky élaboré exclusivement à partir d'un moût d'orge maltée, dans une seule et même distillerie et par distillation discontinue simple.

 

Les métiers déjà maîtrisés

Le choix et la préparation des matières premières

 

Pour un single malt, il est possible de travailler avec des variétés de malts d'orge dédiées à la distillation, ce sont les variétés d'orges non-GN (GN : glycosidique nitrile, Connu sous Epiheterodentdrin (EPH)) : Laureate, Overture, Octavia, Concerto, Odyssey.

Il est préférable de les malter avec une saccharification plus poussée, et de réaliser un mélange d'orges d'hiver et de printemps ; et pourquoi pas accompagné de malts spéciaux : malt tourbé, malt caramel, malt Vienne, malt chocolat …

Malt distilling
Extrait sur sec : > 82%
% de protéines idéalement < 10%
PSY (rendement en alcool : > 400L d'alcool /T de malt
Pouvoir diastasique: > 300 wk
B glucans < 150ppm et viscosité <1,5cP
Friabilité : > 90%

Malt tourbé (utilisation de la tourbe pour aromatiser le malt)
Phenols Indophenol : 15ppm pour un léger arome tourbé sinon 90ppm pour du havy peated malt

Il est également possible de malter directement sur place à la brasserie une orge locale, et brasser immédiatement avec le malt vert, ceci réduit fortement les impacts environnementaux et autorise une traçabilité très forte de la matière première locale (terroir). (Le signataire est à votre disposition pour discuter d'une installation qu'il a développée).

Pour d'autres types de whisky, le champ des possibilités est largement ouvert : seigle, blé, riz, maïs … L'usage d'enzymes naturelles est possible et autorisé par le règlement.

Pour un whisky tourbé, en plus d'un achat chez un producteur, un fumage à la brasserie est également possible, ce qui permet de faire varier les sources de phénols avec des plantes locales en dehors de la tourbe (40 ppm pour obtenir au final 15 ppm dans le whisky). Une source d'eau de qualité pourra être également porteuse d'une image forte (notamment pour la réduction).

 

Le brassage du Whisky

 

Le matériel est logiquement déjà disponible ; une méthode anglaise à un seul palier est la règle, mais d'autres recettes de brassage sont possibles avec différents paliers, notamment en fonction du malt utilisé ; sachant que l'objectif est la production maximale de sucres fermentescibles avec une saccharification poussée, nous n'avons pas besoin de la présence de dextrines pour donner du corps à la bière.

On recherchera une mouture plus fine pour améliorer les rendements.

Les lavages peuvent être optimisés, notamment en récupérant le second lavage comme première eau d'hydratation dans la cuve matière lors de la liquéfaction, et cela pour récupérer le maximum de sucres des drêches (nous travaillons à haute densité). Il n'y a bien sûr nullement besoin d'une ébullition ni apport de houblon sauf dans le cas d'une eau-de-vie de bière.

Un retour partiel de vinasses est possible au brassage, pour acidifier légèrement le moût et apporter des nutriments pour la fermentation (pas plus de 25% des apports d'eau).

 

La fermentation du Whisky

 

La fermentation s'effectue à une température plus élevée, 24°C (comprise entre 20 et 32°C), en choisissant une levure spécifique (fermentant tous les sucres et résistante à l'alcool) avec un profil typique aromatique recherché (ou une multi fermentations avec différentes souches de levures et bactéries microbiotes Lactobacillus plantarum , mais plus complexe à réaliser) ; durée à déterminer, car les composés aromatiques apparaissent à des durées différentes entre 2 jours et 6 jours (arômes de fruits : banane, ananas (esters), mais également agrumes: orange, pamplemousse…) et permettre une lyse des levures.

Un moût plus riche en azote assimilable peut changer l'aromatique (esters d'acides gras). Le recours à une glucoamylase est également possible pour améliorer la richesse en alcool. Attention, une fermentation trop tumultueuse avec dégagement de CO2 risque d'entraîner des pertes d'esters légers et d'acides gras. Le CO2 réduit la croissance levurienne et la richesse en huiles de fusel.

La bière recherchée aura entre 8 et 9 %vol, un pH de 4,5 (32 à 48 h). Plus la bière sera acide, plus le distillat sera fruité (esters) : 30 mg/L d'acide lactique par exemple.

La présence de levure est bénéfique à la distillation (mais pas de paquet). Des éléments solides présents augmenteront la production d'alcools supérieurs (isobutanol, L méthyl butanol …) Pour augmenter les esters d'acide gras volatils, je propose d'augmenter la teneur en levures du milieu en oxygénant le moût, car la synthèse des lipides insaturés se fait en présence d'oxygène, cela en fermentant à haute densité (de toute façon cela est le cas), et en enrichissant le milieu en acide oléique.

 

Les nouveaux métiers pour le brasseur

La distillation du Whisky

 

La distillation a pour but d'isoler l'alcool éthylique (solvant qui extrait les composés volatils aromatiques positifs), tout en séparant les négatifs ou mauvais goûts. La façon dont s'effectue la séparation des impuretés volatiles influe donc considérablement sur la qualité de l'eau-de-vie obtenue.

Quand on évapore un mélange de deux composants, la phase vapeur s'enrichit du composé le plus volatil (celui qui, à température donnée, a la pression de saturation la plus élevée ; généralement les aldéhydes puis les alcools). La vapeur émise par un mélange liquide en ébullition a donc une composition différente de celle du mélange d'origine.

Le condensat s'enrichit en alcool, tandis que la vinasse, résidu liquide s'appauvrit.

Ainsi, si nous effectuons une succession d'évaporations et de condensations, il y aura une augmentation progressive de la concentration des composés les plus volatils dans le mélange condensé.

pourcentage compose voltail alcool chaudiere

 

L'éthanol est plus volatil, car il bout à une température plus basse, un mélange à 10 %vol bout à 93°C, 30 % bout à 86°C, 97,2 %vol bout à 78,2°C)

etape distillation whisky

Autrement dit à partir du mélange eau + alcool de la bière (9 %vol), nous pourrons obtenir le distillat au degré d'alcool souhaité avec 2 distillations successives (entre 65 et 72 %vol pour les eaux-de-vie).

La distillation est un changement physique d'état : liquide/vapeur/liquide permettant une séparation de composés liquides donc un tri en fonction de la température d'ébullition des différents corps, fonction de la solubilité des corps dans l'alcool et dans l'eau qui varie en permanence en fonction des concentrations réciproques. Elle crée moins le caractère, mais donne forme et raffine le distillat.

distillations brouillis eau de vie

 

La distillation est cependant moins simple que ce que l'on suppose :

- Le titre alcool de la bière dans la chaudière ne cesse de changer tout au long de la distillation ce qui modifie les tensions de vapeur
- Les volatilités se modifient en permanence
- Le coefficient de volatilité relative des corps entre eux change
- Le grand nombre de composés de la bière entraîne une complexification des phénomènes

L'alambic est donc un appareil à distiller, servant à séparer et à fractionner dans le temps les composés volatils, par échauffement de la bière puis condensation des vapeurs émises.

volatilite corps aromatiques distillation

Volatilité des corps aromatiques lors de la distillation (In Distillation techniques in the Fruit Spirits Production The International Centre for Brewing and Distilling)

 

Le choix des seuils de température lors des tris effectués en fonction du degré alcoolique lors du coulage aura par conséquent une forte importance sur la qualité finale du distillat.

distribution corps volatils selon equipements distillation

Distribution des principaux corps volatils selon différents équipements de distillation : ligne pleine : alambic charentais, pointillé : colonne et * montre la coupure lors de l'accumulation des composés lourds (Distillation Techniques in the Fruit Spirits Production ; Nermina Spaho)

 

L'alambic primitif charentais est composé de trois parties bien distinctes :

- La chaudière ou vase, dans lequel le liquide ou les matières à distiller sont lentement chauffés (ou fortement chauffées selon votre stratégie)

- Au-dessus, un espace libre, le chapiteau ou tête de maure, reçoit les vapeurs de cet échauffement. Les molécules les plus lourdes y retombent, ce qui génère un reflux pour obtenir une bonne pureté du distillat, et les plus légères poursuivent leur chemin. Pour améliorer cette séparation, il est possible de placer des linges humides pour faciliter les retombées et augmenter le reflux, avoir des formes de col et de chapiteau particulières pour participer également à l'augmentation du reflux ou bien des garnissages.

- Les vapeurs d'alcool vont ensuite dans le condenseur, réfrigéré par une circulation d'eau froide.

distillation charentaise

Source BNIC

La chaudière doit avoir un chauffage le plus régulier possible, sans coup de feu pour éviter les réactions de Maillard en cours de distillation.

Tous les alambics dérivent de ce principe de base. Il existe un grand nombre de formes d'alambics correspondant à des usages et à des besoins particuliers. Le plus connu et le plus disponible pour le microbrasseur étant le modèle charentais.

Nous voyons aussi de vieux alambics retrouver une nouvelle vie, et pourquoi pas de nouveaux concepts (sous-vide) ou de nouvelles formes (après leur abandon) apparaître.

lanicer still condenser

Lonicer's Still and Condenser, adapted from Forbes, 1948

Le vin à distiller sera réchauffé avant sa distillation avec les vapeurs d'alcool obtenues au niveau d'un chauffe-vin ou réchauffe-vin.

Le signataire se tient à votre disposition pour développer les différents types d'alambics, notamment les colonnes discontinues ou continues avec soupapes ou clapets, qui permettent d'obtenir des alcools plus doux avec des plateaux qui représentent une succession d'évaporation/condensation, modèle armagnacais par exemple.

distillateur armagnacaisdistillateur charentais

Distillateurs Armagnacais & Charentais - Photos Franck Jolibert

Le temps de séjour du vin à haute température dans la chaudière et le chauffe-vin sont des paramètres importants qui déterminent les qualités organoleptiques des distillats. Des estérifications ont lieu lors de la chauffe et l'alcool se charge en arômes.

Si le temps de séjour à haute température est court, l'alcool produit est léger, c'est-à-dire peu chargé en molécules aromatiques (alcools supérieurs, esters, méthanol …).

Si la chauffe est modérée, la distillation est lente et donc il y a plus de reflux, les composés du distillat sont légers.

Si la chauffe est intense : la densité des vapeurs dans le col sera plus forte, la température plus élevée, il y aura moins de reflux, et les composés aromatiques seront plus riches dans le distillat avec plus de composés lourds.

 

TABLE DES DIXIÈMES SUCCESSIFS

Cette table, très importante pour la compréhension du principe de distillation, indique le pourcentage de l'alcool pur total contenu dans la fraction ; en regard de la fraction distillée et du degré initial en chaudière

table dixiemes successifs alcool

La somme dans chaque colonne est évidemment de 100%. On constate ainsi que pour distiller tout l'alcool d'une bière à 10 % par exemple, il faut distiller les six dixièmes de la charge (ou six dixièmes du volume), ce que nous ne faisons jamais mais plutôt 35 à 40% du volume. Les charges à fort degré d'alcool doivent être presque totalement distillées pour en extraire tout l'alcool au-dessus de 50 % vol.

Pour les Eaux de Vie, on renonce volontairement à une purification trop poussée de l'alcool, car c'est une certaine teneur en esters, acides, cétones, aldéhydes et huiles essentielles qui déterminera leur caractère typique.

 

Teneur en substances volatiles de différents spiritueux g/hl AP :

Vodka : 30
Whisky-Cognac : 150 – 1 000
Rhum Agricole : 225
Eau de vie de fruit : 200

Il existe trois classes principales de corps chimiques en fonction de leur volatilité par rapport à l'éthanol :

classes corps chimiques volatilite ethanol

On utilise le cuivre comme matière de la chaudière pour les raisons suivantes :

- Le cuivre est un très bon conducteur de chaleur
- Ce métal présente une stabilité optimale à l'encontre des acides de fruits
- L'influence du cuivre sur la qualité de l'eau-de-vie est exemplaire ; car le cuivre forme des produits non volatils avec les combinaisons volatiles de soufre produites au cours de la fermentation.

L'hydrogène sulfuré est l'exemple le plus connu d'une telle combinaison amoindrissant la qualité. Le cuivre permet également de fixer une partie des acides gras sous forme de savons, diminuant ainsi leur impact organoleptique (odeur de rance).

Attention, le traitement des vinasses (pot ale ou bierasse) avant rejet nécessitera une bonne réflexion pour leur élimination, car beaucoup plus chargées que les eaux usées de la brasserie (notamment via la filière de la méthanisation). Les drêches trouveront le débouché classique de la brasserie.

 

Le vieillissement : le chai

 

L'humidité du chai doit être aux environs de 70 – 80%, avec une évaporation annuelle de 2 à 3 % (appelée « part des anges », également base nutritionnelle de la Torula, champignon qui noircit les installations). Les écarts de température (7 – 22°C) sont une des composantes de l'aptitude d'un chai à vieillir une eau de vie.

L'extraction des tanins est facilitée par des températures élevées en été, les réactions chimiques intervenant lors du vieillissement étant conditionnées par la température (estérification par exemple à température ambiante).

- A basse température : le whisky perd du volume, l'air rentre dans le fût
- A haute température : le phénomène inverse se met en place avec une pression plus forte sur le bois et une meilleure extraction.

Nous avons vu que l'alcool est plus volatil que l'eau :

- Avec un air humide, il y a perte d'alcool, mais pas de perte de volume du distillat (dans un chai très humide, l'alcool s'évapore en priorité)
- Avec un chai sec, il y a perte de volume, mais pas du degré alcoolique

Si on souhaite une eau-de-vie charpentée, ayant le goût de la vanille, et moelleuse, un chai humide est à privilégier.

Du fait de sa localisation, le microbrasseur aura tendance certainement à rechercher des locaux abandonnés permettant de répondre à ces critères : bases sous-marines, ou d'anciens forts, anciennes carrières … Chaque chai apportera donc sa propre spécificité.

 

Le vieillissement : les fûts

 

La qualité des essences des fûts intervient énormément dans le final aromatique. Les fûts en bois de chêne peuvent être utilisés selon l'usage suivant proposé : neuf (6 mois), puis ensuite 12 mois sur un autre distillat, 18 mois sur un autre et ensuite ce fût sera considéré comme un fût vieux. La quantité de polyphénols à obtenir dans l'eau-de-vie sera de 200 mg/litre ou davantage (ils ne se trouvent pas dans l'alcool fraîchement distillé mais sont plutôt le résultat du long vieillissement d'un bon whisky).

Pour un fût de 350 litres, il faut laisser 6 litres de vidange lors du remplissage en hiver. Il est important d'aérer de temps en temps, soit par l'intermédiaire d'un petit barboteur type poissons, ou en déplaçant l'alcool d'un fût à un autre (le vide en dessous de la bonde favorise l'oxydation).

La ventilation est importante pour permettre l'oxygénation de l'alcool, mais aussi pour éviter l'apparition de goûts de moisi dans les fûts. Chaque fût donne une palette différente d'arômes et saveurs différente : vanille, fruits secs et cela en fonction des phénomènes d'oxydation (selon les échanges gazeux oxygène/alcool/esters : plus fruité, plus complexe notamment fruits rouges et fruits secs)

impact aromatique remplissage

Il faut extraire le plus rapidement les flaveurs du bois : vanille, caramel, noix de coco, cannelle, boisés… Ceci est complexe, car de nombreuses réactions chimiques se déroulent dans le temps (par exemple la réaction de l'isopropanol avec les acides gras pour former des esters). Le choix des fûts de réemploi sera le plus souvent la règle, notamment pour les finitions avant embouteillage : xérès, porto, bourbon, fûts de bière, mais surtout de vins, car nous sommes tout de même dans un pays vinicole (vins blancs liquoreux, vins rouges …). D'ailleurs cette mode se généralise en Australie.

La forme du fût a également son importance (surface de contact d'échange/volume d'oxygénation), sa porosité, son essence d'origine … En fonction du goût final recherché, le chêne à grain moyen type limousin (la structure des fibres fait qu'il donnera plus de tanins) ou à grain fin type Tronçais.

Le brûlage des douelles avec ses courbes de chauffage, ses températures et son recyclage de fumées (fumage phénols) va également jouer de façon notable (hémicellulose -> sucre caramélisé ; lignine -> vanilline).

Une eau de vie jeune dans un fût vieux va évoluer très lentement. Sa couleur restera claire même après plusieurs années.

Le maximum d'extraction de tanins s'effectue pour un TAV de 50 %vol, le vieillissement s'effectuant en général à 62 %vol, car permettant la meilleure extraction. Le fait de varier le degré d'alcool offrira de nouvelles aromatiques. L'ouillage réduit les pertes lors de la maturation.

Plus le distillat d'origine sera chargé en queues et têtes et plus la durée du vieillissement pourra être prolongée et permettre la production de whisky âgés.

 

La réduction

 

La réduction finale à 40 - 45 %vol s'effectue avec de l'eau distillée, ou de l'eau très pure locale pouvant donner une image forte au spiritueux, cela en procédant par étapes progressives et par petits volumes pour assurer une bonne qualité du produit.

Il est possible et plus simple également de produire un single cask sans réduction ni filtration ; et permettre à son client de choisir son propre fût et eau-de-vie. Cette réduction, tout en abaissant le degré final pour la dégustation que l'on souhaite, structure les arômes de vanilline, les tannins et assure le toucher en bouche.

 

La mise en bouteilles

 

L'assemblage de différents fûts pourra être filtré pour le rendre parfaitement limpide. Un ajout de caramel permet d'avoir la couleur désirée si besoin.

L'assemblage pourra être également stabilisé par un séjour en cuves isothermes à basse température (de 0°C à – 6°C) pour floculer les corps gras. Cette stabilisation est un traitement physique qui ne change pas la qualité du produit ; mais est indispensable pour assurer sa stabilité colloïdale.

 

Conclusion

Le whisky single malt et autres whiskys ou boissons spiritueuses représentent aujourd'hui un nouveau marché et une diversification très importante pour les microbrasseries, sans pour autant demander de lourds investissements si nous restons sur des volumes de vente facilement commercialisables. Le travail pourra s'effectuer durant la période basse en hiver, et ainsi permettre de garder les opérateurs du brassage.

Ils représentent un complément de gamme astucieux, avec une forte authenticité, car faisant appel à des matières premières locales de qualité diversifiées et un travail en économie circulaire. Attention cependant à ne jamais tromper le consommateur ; en expliquant correctement les opérations réellement réalisées, sans accaparer des qualités non présentes, afin qu'il ne puisse exister de confusion dans son esprit.

Il faut rechercher des saveurs uniques avec des céréales locales pour un produit organique hors des circuits. Je vous laisse développer votre « esprit whisky » et créer une nouvelle communauté.

 

Recette de whisky single malt

Ingrédients pour 100 litres

Malt : 30 kg (orge hiver + orge printemps + malt fumé si besoin)
Levure : DistilaMax® MW 70 g
Enzymes : Glucoamylase

Etapes du process

Etape 1 : Empâtage
70 litres d'eau à 55°C (dont 20 litres de vinasses)
Palier 50°C : 10 minutes
Palier 62°C : 60 minutes
Palier 72°C : 10 minutes
Monter à 78°C
Etape 2 : Filtration
Lavage drèches avec 60 litres à 80 °C en 2 fois, le second lavage allant à l'empâtage
Etape 3 : Refroidissement 20 - 24°C
Etape 4 : Mise en fermentation 22 – 26°C (7 jours)
Glucoamylase 10 ml
Etape 5 : Distillation

 

Voir le Webinaire Whisky animé par Franck Jolibert et Yahia Chabane - Les Maltiers :

 

Pour toutes informations et Conseils :

Franck Jolibert
Ingénieur Brassicole
Vice-président du Musée Français de la Brasserie (Saint-Nicolas-de-Port)

Franck Jolibert, ingénieur ENSAIA, a travaillé deux axes majeurs tout au long de sa carrière : l'environnement (maîtrise de l'énergie, économie circulaire, valorisation des sous-produits...) et les boissons alcoolisées (bières, alcools, vins...). Ceci l'a amené à développer une expertise reconnue dans les domaines de l'énergie et de la sécurité technologique tout en se spécialisant dans le travail des céréales et des sucres, la fermentation et la distillation.
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Tel. : 06 62 03 39 44

 

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