L’année 2018 a connu un fort intérêt pour la production et la consommation de Brut IPA. Andrew Paterson, Responsable Technique et Commercial chez Lallemand UK, fait le point sur ce style, sa science et les meilleures pratiques si vous prévoyez d’en brasser une.
Ces dernières années, le marché de la bière artisanale a été dominé tour à tour par certains styles de bière. Nous avons connu successivement la popularité des IPA, des Imperial Stouts, des New England IPA, des IPA aux fruits et des Sours qui déchainent des marées d'enthousiasme sur les réseaux sociaux, amplifiée par les envies des consommateurs de continuellement expérimenter des nouvelles choses. Pour un brasseur, c’est toujours un nouveau défi stimulant, non seulement dans la dégustation de ces styles récents innovants, mais aussi dans l’apprentissage des règles de réussites de leurs brassages.
Nous avons assisté l’année dernière à une vague de popularité de l'IPA dite " Brut ", un style qui n'en est qu'à ses débuts. Initialement brassée à San Francisco par Kim Sturdavant de Social Brewing, ce style est défini par des niveaux extrêmement bas de dextrines non fermentescibles à la fin de la fermentation. Il en résulte une sensation en bouche à la fois croustillante et très sèche (mais pas desséchante).
Ce style est probablement le parfait contraste de la tendance des New England IPA qui se caractérisent par des niveaux extrêmes d’arômes de houblons et par une sensation onctueuse en bouche, due à l’eau chargée en ions de chlorure.
En plus de leur caractère brut, ces bières ont tendance à présenter des niveaux très élevés de carbonatation et d'effervescence ainsi qu'un arôme de houblon modéré à élevé, ce qui les fait souvent être comparées aux vins de style Champenois. La production de l'IPA Brut repose sur l'utilisation d'une classe d'enzyme exogène appelée amyloglucosidase (AMG) dans le processus de brassage (marque de commerce Glucoamylase 400 de Lallemand).
Quelques exemples de Bières Brut IPA :
Les Enzymes, qu'est-ce que l'AMG ?
Les enzymes sont des protéines complexes qui agissent comme des catalyseurs pour accélérer la vitesse d'une réaction. En termes simples, ils décomposent les molécules biologiques en d'autres composés et éléments chimiques plus simples. Plusieurs facteurs peuvent influer sur l'activité enzymatique, notamment la température et le pH. Une augmentation de la température augmente la vitesse de réaction jusqu'à un point, mais au-dessus, et en dehors de la plage optimale, cela peut réduire l'efficacité et même dénaturer l'enzyme.
L'utilisation d'enzymes dans le brassage n'est certainement pas une nouveauté, mais elle suscite de plus en plus d'intérêt et d'applications dans le secteur du brassage artisanal pour repousser les limites et obtenir des profils sensoriels spécifiques. En effet, l’AMG a généralement été utilisée dans le brassage pour créer des bières à faible teneur en glucides et réduire le goût sucré dans les bières à teneur élevée en alcool. La Brut IPA est ainsi un bon exemple d'utilisation d'une enzyme d'une manière nouvelle et différente.
Dans une bière standard, l'eau et l'orge malté sont mélangés pendant le brassage pour produire le mash (moût à la fin de la saccharification). L'objectif principal est de créer du sucre pour la fermentation. Au cours de ce processus, l'orge malté libère des enzymes qui commencent à décomposer en sucres l'amidon présent dans l'endosperme de l'orge. Les deux enzymes les plus importantes sont l'alpha et la bêta-amylase.
L'amidon, un polymère de glucose, est lié par des liaisons glycosidiques et se présente sous deux formes, une variété non ramifiée appelée amylose liée par des liaisons alpha 1,4, et une variété ramifiée appelée amylopectine liée par des liaisons alpha 1,4 avec des liaisons alpha 1,6 (voir fig. 1).
Figure 1 : "L'amidon source de sucre dans le Brassage"
Dans le processus de brassage, les liaisons glycosidiques de l'amidon sont décomposées par des enzymes dans un processus appelé hydrolyse (voir fig. 2). L'alpha-amylase agit comme une endoenzyme en hydrolysant les liaisons glycosidiques 1,4 dans la chaîne de l'amidon pour produire des longueurs plus courtes, tandis que la bêta-amylase agit comme une exoenzyme en hydrolysant la liaison glycosidique 1,4 à deux unités de glucose de l'extrémité de la chaîne libérant le maltose (voir fig. 3).
Figure 2 - Hydrolise de liason alpha 1.4
Le maltose est un disaccharide composé de deux molécules de glucose, il est le principal sucre utilisé par la levure dans la fermentation d'une bière. L'activité de la bêta-amylase est essentielle à la fermentescibilité d'un moût normal. En effet, ni l'alpha ni la bêta-amylase n'hydrolyse la liaison alpha 1,6 glycosidique aux points ramifiés de la chaîne d’amylopectine, conduisant par conséquence à la présence de dextrines non fermentescibles à la fin de la fermentation des bières produites de manière classique.
Ces dextrines non fermentescibles sont en partie responsables de la sensation en bouche d'une bière, et leur présence ou absence peut produire respectivement une bière jugée douce ou sèche.
Dans un IPA brut, la dextrine non fermentescible responsable de la sensation en bouche et de la gravité résiduelle est absente. Ceci est dû à l'ajout d'une enzyme amyloglucosidase exogène dans le moût ou le fermenteur. L'amyloglucosidase est produite à partir du champignon Aspergillus niger et agit en hydrolysant les liaisons alpha 1,6 et 1,4 à une unité de glucose de l'extrémité de la chaîne de l'amidon libérant du glucose libre en solution (voir fig. 3).
Figure 3 : Mécanisme de l'action de l'amylase
Ce glucose est ensuite utilisé par la levure pendant la fermentation pour produire de l'alcool et du CO2. Ainsi, tout l'amidon disponible de l'orge malté est transformé en sucre et fermenté. L'utilisation classique d'une enzyme telle que l'AMG consiste à augmenter la fermentescibilité des moûts, ce qui permet d'obtenir un meilleur rendement en alcool et une utilisation plus efficace des matières premières.
Comment produire une Brut IPA
Lorsqu'on examine la meilleure façon de produire une Brut IPA, il faut tenir compte des avantages et des inconvénients relatifs aux différentes méthodes. Trois options principales s'offrent à vous. Un ajout d'enzyme AMG au mash, un ajout d'AMG à la cuve de fermentation, ou un ajout aux deux.
Un ajout à la cuve d’empâtage permet de s'assurer qu'il n'y a plus d'enzyme active qui se dirigerait vers la cuve de fermentation car elle va être désactivée lors de l'ébullition. L'inconvénient est que le taux d'addition doit être élevé pour assurer une dégradation complète de l'amidon. Lallemand recommande un ajout de 2 à 4 litres par tonne, bien qu'il faille l'optimiser pour les procédés individuels.
L'enzyme doit être répartie de façon homogène dans tout le volume afin d'assurer une décomposition uniforme de l'amidon ; il est donc recommandé d'ajouter l'enzyme progressivement tout au long du processus de brassage.
L'ajout d'une enzyme à la cuve de fermentation présente l'avantage d'un ajout d’une dose beaucoup plus faible et d'une dégradation complète de toute matière de dextrine restante, mais il présente l'inconvénient de la persistance d'une enzyme active dans la bière finale.
Par conséquent, il faut s'assurer que la fermentation a bien été effectuée complètement avant de conditionner le produit final. S’abstenir de s'assurer que la dégradation de l'amidon et que la fermentation se soient terminées à des niveaux satisfaisants, mènerait à des niveaux résiduels importants de sucrosités dans la bière, et à l'accumulation de pression dans les bières conditionnées en bouteille, qui peuvent devenir alors de véritables bombes. La dose recommandée est un ajout d'AMG dans la cuve de fermentation au début de la fermentation à hauteur de 10 ml/hl.
Lallemand recommande d'ajouter une enzyme à la fois à l’empâtage et dans le fermenteur. Ceci permet d'assurer une fermentation dans les temps requis, en particulier en cas d'utilisation d'une souche de Champagne, ainsi qu'une dégradation complète de l'amidon.
La souche de levure choisie pour la fermentation d’une Brut IPA est le choix du brasseur ; toutefois, le choix doit être fait en connaissance des propriétés physiologiques de la souche de levure concernée.
Les deux options les plus populaires sont une souche de levure de bière neutre comme la LalBrew™BRY-97 (qui réhausse les arômes de houblons) ou une souche Champagne comme la LalBrew™ CBC-1. Une souche de Champagne ne fermente que les sucres simples comme le glucose, le fructose et le maltose, ce qui signifie que la dégradation de l'amidon doit être complète pour assurer un produit final complètement sec.
Une souche de levure de bières de style américain fermentera à la fois le maltotriose et le maltose. Ce sera donc moins risqué pour le brasseur si la dégradation de l'amidon n'est pas complète en raison de mauvaises conditions de brassage, ou d'un manque d'ajout d'enzymes de fermentation. Evidemment les caractéristiques sensorielles finales souhaitées de la bière doivent également être prises en compte à ce stade.
Références : Michael J. Lewis, Tom W. Young, brasserie, 2002
Recette Brut IPA
Le malt d'une brut IPA doit être principalement pâle, avec la possibilité d’ajouter un peu de blé si désiré. L'amertume du houblon doit être faible, de l'ordre de 15-25 IBU. La teneur en alcool tend à se situer entre 4,5% et 6,5%. Lallemand a créé un exemple de recette, ainsi qu’une procédure recommandée (voir fig. 4 - cliquez sur l'image pour télécharger le pdf).
Téléchargez les Recettes de Brut IPA (anglais):
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Cet article est une traduction de What is a Brut IPA and how do you brew one publié en novembre 2018 dans le Brewers Journal mis à jour en juin 2019 par BtoBeer et Lallemand (Meilleures pratiques).
Nous serions heureux d'avoir vos retours sur vos expériences de brassage d'une Brut IPA, n'hésitez pas à laisser un commentaire!