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Le miel apporte à la bière, à la fois, des flaveurs complexes et de la douceur, tout en permettant d’augmenter le taux d’alcool et d’alléger le corps. Si le miel était auparavant réservé à des boissons et à des bières bien spécifiques, on le retrouve aujourd’hui dans des styles de bière variés. Son utilisation lors du brassage doit cependant bien être appréhendée. Nous avons pour cela interrogé 2 brasseries qui ne brassent qu’avec du miel -les brasseurs de L’Opercule, premiers apiculteurs-brasseurs en France depuis 2017, et la Brasserie de Senlis qui est en train de s’installer après avoir brassé à façon- ainsi que la Ferme-Brasserie du Vexin qui gagne régulièrement des prix internationaux pour son ambrée au miel, et la Brasserie Croix de Chavaux qui a ses propres ruches en milieu urbain à Montreuil.
Les Boissons au miel - Les propriétés du miel - Les fonctions du miel dans la bière - Le brassage de bière au miel
Les Boissons au miel
Le miel est l’un des plus vieux ingrédients naturels employés par l’Homme. Des résidus de cire d’abeilles et des peintures rupestre s datant d’environ 40 000 ans ont été découverts en Afrique du Sud et semblent attester d’une connaissance étendue des ruches et de la consommation de ses produits. Avec la sédentarisation et le début des civilisations, de nombreuses traces archéologiques ont été mises à jour, dont des poteries contenant de la cire d’abeille et du miel datant d’il y a 9 000 ans. C’est aussi à partir de cette époque que l’on retrouve les premières traces de boissons fermentées et alcoolisées, notamment avec du miel en Chine (riz, miel et fruits). En Europe, des traces de production d’hydromel datant d’environ 7 000 ans ont été exhumées en Espagne. En 2016, des universitaires de l’Université du Wisconsin ont d’ailleurs tenté de reproduire une bière au miel à partir des analyses de résidus d’une poterie datant de 500 avant notre ère, retrouvée en Allemagne. Ces boissons au miel correspondent très probablement au fameux « Nectar » des dieux grecs -dont Aristote a écrit une recette en 350 avant notre ère- et celles des dieux celtes et scandinaves également.
Plusieurs types de boissons au miel se sont développés depuis ces temps :
L’Hydromel, le vin de miel, issu de la fermentation du miel dans de l’eau grâce à ses levures endogènes présentent dans le pollen. Pour faciliter le contrôle de la fermentation, on peut y introduire des levures exogènes utilisées dans le vin ou la bière. Si peu d’hydromel est produit en France, il est beaucoup plus répandu dans les pays slaves, scandinaves et anglo-saxons (mead en anglais) avec de nombreuses variantes, tant dans les proportions eau/miel, que dans les ajouts d’ingrédients (comme les metheglins anglais).
Le Chouchen, l’hydromel breton auquel on ajoute du moût de pomme (cyser en anglais), et le Chufère (ou chuféré) qui est à base de cidre. Par extension, on pourrait ajouter les Cidres au miel même s’ils ne sont pas spécifiquement bretons.
Le Mulsum, puis l’Hypocras qui supplanta l’hydromel en Europe au Moyen Âge, sont à base de vin, de miel et d’épices comme la cannelle ou le gingembre. À cela s’ajoute deux variantes : l’Oxymel à base de de vinaigre et l’Oenomel à base de moût de raisin (pyment an anglais).
Le Braggot, ou bière de miel, faite avec du miel et du malt (entre 33 et 70%), la recette étant assez libre et pas vraiment définie ; parfois en ajoutant des fruits, des épices et du houblon. Plusieurs brasseries s’essayent régulièrement à sa production. Les Anglais plaisantent souvent sur sa nature : à savoir si « les braggots sont des hydromels faits avec une forte proportion de bière, ou des bières faites avec une forte proportion d'hydromel». Sans oublier les bières auxquelles on ajoute du miel, que nous allons aborder à travers ses différentes propriétés et apports.
Les propriétés du miel
Le miel est composé de 79 à 82% de sucres, 17% d’eau et 1 à 3% d’acides, de minéraux, de vitamines, de levures, de bactéries et d’enzymes.
Le miel est ainsi hautement fermentescible, en moyenne 75% et jusqu’à 95%, quand les ingrédients d’une bière lager ou ale le sont au maximum à 75%. Parmi les 80% des hydrates de carbone qu’on y retrouve : des Monosaccharides comme le fructose (38,5%) et le glucose (31%), des disaccharides comme le maltose (7,2%) et le sucrose (1,5%), enfin des trisaccharides et autres sucres complexes (4,2%). Le miel aurait ainsi un pouvoir sucrant 1,3 fois plus important que le sucre.
Le pH du miel est assez élevé, avec 3,9, lui permettant sa stabilité. Ses acides sont ainsi à prendre en considération comme les acides acétique, butyrique, citrique et lactique qui peuvent surprendre lorsque l’on goûte les moutures, mais aussi l’acide gluconique qui exhausse les flaveurs épicées, herbales et houblonnées.
Le miel contient des enzymes comme les Amylases et le Diastase permettant de convertir l’amidon en sucre à des niveaux proches de ceux du malt. Son pouvoir de dextrinisation a un indice compris entre 9 et 37, quand celui du malt est de 24.
Il est nécessaire d’effectuer des analyses des lots de miels, car leurs propriétés varient selon les provenances (même au sein d’une même région) et des années.
Les fonctions du miel dans la bière
L’utilisation de miel dans la bière permet, comme pour les autres ajouts de sucres, d’augmenter la teneur en alcool et d’alléger le corps. Mais contrairement à d’autres sucres, le miel permet d’atténuer la rugosité (langue râpeuse) lors de la dégustation.
Comme nous l’explique Denis Sargeret de la Ferme Brasserie du Vexin : « au début, nous avons utilisé le miel pour monter alcool. Notre bière au miel ambrée, la Véliocasse, fait 7° ; mais c’est surtout pour apporter rondeur et douceur à notre bière ».
En fonction des nectars et des pollens, le miel apporte certaines flaveurs et arômes floraux et un peu de douceur à la bière. Il semble également permettre d’exalter certaines flaveurs subtiles du houblon tout en atténuant son amertume.
Si les bières contenant du miel sont souvent des bières fortes, brunes, de spécialités ou de fêtes, comme les bières de Noel et les bières à la citrouille, d’autres styles peuvent très bien être mis en valeur par son ajout : des lagers aux ales, en passant par les stouts et les porters, les bières de garde, de ferme et kveik mais aussi des saisons, des weizen, des triples et des sours (grâce aussi à certains acides du miel). Si une catégorie « bière au miel » existait autrefois dans le Guide des styles de bière du BJCP, son utilisation acceptée dans plusieurs styles à contribuer à démocratiser cet ingrédient. L’ancien président américain Barack Obama avait fait créer 2 recettes de bière au miel pour la faire brasser à la Maison Blanche en 2012 : une Honey Brown Ale et une Honey Porter. Il y a d’ailleurs un concours dédié aux bières de miel aux Etats-Unis : la Honey beer Competition.
Pour Damien Froment de L’Opercule, les styles élaborés sont en fonction des préférences des brasseurs et des collaborations. « Nous brassons des bières traditionnelles type belge, une blonde, une ambrée, une triple et des créations l’été et l’hiver. Sur la blonde, les notes florales du miel se ressentent un peu et ressortent plus ou moins bien en fonction des années. Sur les ambrées, les malts torréfiés prennent souvent le pas. En revanche sur nos triples, nous avons un côté vraiment mielleux, renforcé par une sélection de malts et de houblons aux flaveurs proches. L’apiculture nous a amenés à la brasserie. Notre objectif est de produire localement et de créer du tissu avec des producteurs locaux. Nous faisons donc des collaborations avec des artisans, comme une bière au café Canton, une au safran, une aux bonbons avec la confiserie des Hautes Vosges, une au sapin… »
Beaucoup de recherches sont encore à effectuer, mais il semble que plus le miel est fort et foncé, plus la bière le sera également.
La préférence de Henri Delacommune, de la Brasserie de Senlis, va à « un miel toute fleur bio, qui est un peu plus neutre et moins fort en saveurs, que les miels de tilleul ou d’acacia par exemple. En revanche, [il] compte utiliser des miels plus forts pour des brassins éphémères dans le futur ».
Quant à L’Opercule, « en zone de Montagne, Damien Froment produit un miel toutes fleurs de Montagne, très floral, unique et qui donne des notes subtiles. Nous pensons utiliser d’autres miels pour d’autres styles, comme le miel d’acacia ou de châtaigner qui est très puissant et souvent utilisé en brasserie. »
La Ferme-Brasserie du Vexin utilise du miel de Châtaigner, un miel « fort mais qui n’aromatise pas ».
Nous verrons par la suite que cela peut dépendre aussi de la manière de l’introduire dans le brassin.
Il ne faut pas oublier non plus que ces dernières années, le « bon » miel (NDLR : pas celui coupé au sucre) devient une ressource rare et de plus en plus chère. Ce qui devient problématique, comme nous confie Damien Froment de L’Opercule : « nous utilisons au maximum notre miel, mais cette année nous avons eu une année catastrophique et nous n’avons pas pu produire assez de miel bio. Nous avons donc dû en acheter un peu à d’autres producteurs locaux. Le coût du miel n’est pas le même que celui du sucre… »
Le brassage de bière au miel
Les quantités et les moments d’ajouts ont des effets sur la sucrosité et les flaveurs du miel dans la bière.
Pour les quantités, une étude du National Honey Board aux Etats-Unis recommandait les proportions suivantes (en pourcentage des fermentescibles totaux):
- 2 à 10 % de miel produit une saveur subtile et florale et un arôme délicat
- 11 à 30 % produit une saveur de miel prononcée qui devrait être équilibrée par des saveurs de houblon fortes, des épices ou des malts de spécialité plus foncés
- plus de 30 % produit une bière dominée par la saveur de miel
En général, les brasseurs ajoutent entre 2 à 12% de miel par litre en fonction de leurs modes d'ajout.
« Nous mettons entre 11 et 12 grammes par litre en refermentation bouteille. Mais cela dépend des analyses obligatoires des sucres fermentescibles présents dans chaque lot de miel. Si la littérature indique plus de 80% de sucres fermentescibles, notre miel est le plus souvent proche des 66%. Nous devons donc faire des calculs de resucrage à chaque brassin», nous explique Damien Froment de L’Opercule.
« Aujourd’hui, j’utilise 2 voire moins de 2 grammes par litre à ébullition. J’ai fait des tests à 7 grammes par litre mais l’on ressentait trop fortement le miel. Je voulais garder une certaine finesse et ne pas trop monter en alcool non plus, mes bières ont un taux d’alcool autour de 4,5°. L’idée n’est pas de faire du miel à la bière mais une bière au miel […] Les ajouts de miel peuvent être très compliqués. Le miel apporte de la rondeur à la bière mais l’on ressent énormément le côté sucré. Le miel va énormément atténuer l’amertume, donc faire une IPA au miel est presque impossible. On retrouvera en revanche des flaveurs du houblon», nous confie Henri Delacommune.
La ferme brasserie du Vexin introduit également dans ces mêmes proportions en fin d'ébullition « 20kg pour 1 000 litres ! ».
Le miel peut être introduit lors de l’ébullition, lors de la fermentation ou de l’embouteillage, selon aussi le profil et le style de bière que l'on cherche à brasser.
Pour les moments d’ajouts lors de l’ébullition, les retours sont les suivants :
- au début de l'ébullition, le miel apportera du sucre fermentescible au moût donc plus d’alcool, mais pas de saveur de miel.
- en milieu de l'ébullition, le miel apportera du sucre fermentescible et une légère note de miel.
- en fin d'ébullition, le miel apportera une saveur et un arôme de miel plus forts.
« J’introduis le miel brut à l’ébullition. Le miel perd un peu en saveur mais je trouve qu’il se mélange bien avec la bière. De plus j’ai moins de risque de contamination. Un bon miel est un miel qui se cristallise, lorsqu’il ne se cristallise pas c’est qu’il y a parfois du sucre ajouté*. Afin de refaire fondre les cristaux de miel, je le maintiens à une température supérieure à 30°, et si nécessaire, je le chauffe à 40° avant de l’introduire dans le brassin», explique Henri Delacommune de la Brasserie de Senlis. De même pour la ferme brasserie du Vexin qui introduit son miel en fin d’ébullition.
* La cristallisation du miel dépend de 2 choses nous précise Julian Larrinaga, Apiculteur :
1- L'origine florale, exemple : Accacia : teneur en fructose +élevée = plus liquide. A l'inverse le Colza est impossible à liquéfier et est un cauchemar pour les abeilles et l'apiculteur s'il n'est pas récolté à temps.
2- Les apiculteurs consciencieux voulant un miel onctueux, crémeux et sans cristaux vont "malaxer" le miel en maturateur, c'est à dire le mélanger plusieurs fois par jours pour casser le processus de cristallisation. On peut ensemence avec 10% d'un miel très finement cristallisé pour augmenter l'efficacité et ainsi obtenir un miel qui est et restera crémeux, voir même liquide selon son origine florale. Un miel qui n'est pas malaxé (ou mal malaxé car les machines des apiculteurs intensifs ne valent pas un malaxage à la main) est plus dur, il cristallise, et il déphase (séparation du fructose et du glucose = liquide en haut et cristallisé en bas), de plus il n'est pas stable et empirera dans le temps.
Frédéric Poulain de la Brasserie Croix de Chavaux, introduit quant à lui le miel en toute fin d'ébullition "à environ 70° en whirlpool pour ne pas altérer les propriétés du miel" pour son American Pale Ale houblonnée à cru avec du houblon Cascade.
Le miel contient des micro-organismes, des levures sauvages, pouvant altérer la bière et des enzymes nécessaires à la décomposition et à la fermentation des sucres. Cela pose un dilemme aux brasseurs cherchant les flaveurs, car il faut stériliser ou mieux, pasteuriser le miel, pour éliminer les bactéries sans faire bouillir les huiles aromatiques et détruire les enzymes. Le miel peut avoir un impact important sur la densité finale et la carbonatation, c’est pourquoi il est plutôt conseiller de le diluer dans de l’eau pour obtenir une densité comparable avant de l’introduire dans le moût.
Certains brasseurs préfèrent ajouter ainsi le miel lors de la fermentation (au début de la respiration ou au pic de la primaire) ou bien lors du conditionnement pour la refermentation en bouteille, afin de mieux faire ressortir le caractère du miel.
Cette dernière technique est celle choisie par l’Opercule : « le sucre du miel est ainsi presque entièrement consommé par les levures, faisant que nos bières ne sont pas si sucrées. Le miel donne plutôt de la rondeur à nos bières et nous semble améliorer la tenue de mousse.[…] Afin d’éviter les problèmes de contamination, nous pasteurisons avant son introduction. »
Il n'est pas nécessaire d'introduire du miel plusieurs fois, après l'avoir déjà introduit en fin d'ébullition "les tests fait sur un réajout en refermentation bouteille n'apportait pas grand chose en plus au niveau des saveurs du miel" nous confie Frédéric de la Croix de Chavaux.
Enfin de la même manière que les hydromels, les bières au miel vieillissant en barriques semblent devenir plus complexes. Les bières au miel se prêtent ainsi très bien au vieillissement.
Au niveau des consommateurs, cela dépend des goûts de chacun. « Il y a de la demande mais cela dépend vraiment des goûts. Certains cavistes la trouvent trop mielleuse quand d’autres trouvent mes bières fines et subtiles. Mes bières plaisent beaucoup aux femmes et aux personnes ne recherchant pas à tout prix l’amertume », confie Henri Delacommune de la Brasserie de Senlis.
« Les consommateurs sont toujours curieux des bières au miel et veulent gouter, même s’ils appréhendent le côté sucré. Nos bières ne sont pas si sucrées que cela. Notre Triple, qui a été récompensée, fait même l’unanimité ! » précise Damien Froment de L’Opercule. Comme nous l’avons vu, avec un taux très important de fermentescibilité, il ne reste souvent que très peu de sucres résiduels.
« Les gens adorent ça, la bière au miel se boit toute seule ! Elle est très agréable et se boit bien en apéritif. Vous n’êtes jamais malade avec cette bière ! » déclare enthousiaste Denis Sargeret de la Ferme Brasserie du Vexin qui en produit 400 Hl par an.
"Il y a quelques temps, un collègue brasseur réticent à l'idée des bières au miel, l'a en fait trouver excellente!" se rappelle amusé Frédéric de la Croix de Chavaux.
Dans un précédent article, nous parlions du rôle des guêpes dans la transmission des levures dans les alcools. Suite à cet article, nous nous demandons si les abeilles n’y auraient pas aussi un peu contribué. Toujours est-il que le miel apporte d’autres perspectives aux boissons, dont la bière. Les « accords miels et bières » seraient ainsi à bien documentés les prochaines années. Le miel pourrait d’ailleurs contribuer à la notion de terroir. En attendant, cela donne envie de protéger bien plus les abeilles et d’aller à la rencontre des apiculteurs de sa région. Mais aussi de découvrir de nouvelles bières et d’en brasser !
Vincent Ferrari
Références :
Early farmers minded their own beeswax : https://www.nature.com/articles/nature.2015.18771
Bees, honey and brood: Southern African hunter-gatherer rock paintings of bees and bees nests, uKhahlamba-Drakensberg, KwaZulu-Natal, South Africa : https://www.researchgate.net/publication/283172175_Bees_honey_and_brood_Southern_African_hunter-gatherer_rock_paintings_of_bees_and_bees_nests_uKhahlamba-Drakensberg_KwaZulu-Natal_South_Africa
Fermented beverages of pre- and proto-historic China : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC539767/
Milwaukee Team Recreates An Ancient Brew Unearthed in Archaeological Dig : https://www.wuwm.com/podcast/lake-effect-segments/2016-10-20/milwaukee-team-recreates-an-ancient-brew-unearthed-in-archaeological-dig
What Is Braggot? : https://www.foodrepublic.com/2016/08/25/what-is-braggot
Brewing with Honey : https://byo.com/article/brewing-with-honey/
Ale to the Chief: White House Beer Recipe : https://obamawhitehouse.archives.gov/blog/2012/09/01/ale-chief-white-house-beer-recipe
Honey Beer Competition : https://honeybeercompetition.com/
Syndicats & Associations apicoles : https://www.aubonmiel.com/syndicats-associations-apicoles
Brasseries :
Brasserie l’Opercule : https://lopercule-drive.eproshopping.fr
Brasserie de Senlis : https://brasseriedesenlis.com
Ferme-Brasserie du Vexin : https://www.biere-du-vexin.com/
Brasserie Croix de Chavaux : https://shop.croixdechavaux.com/shop
Bonus :
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- Catégorie : Commercialisation & Services
Dans le but de développer vos ventes au niveau régional, national et même international, ou bien de vous concentrer sur la production et non la commercialisation, et de vous appuyer sur une expertise, le choix d’un partenariat avec un distributeur peut s’avérer judicieux. Les distributeurs peuvent vous ouvrir les portes de nouveaux réseaux, mais ils jouent également un rôle de conseils et peuvent optimiser le placement des produits.
Si les distributeurs sont très sollicités actuellement, et ne peuvent répondre favorablement à tous, plusieurs points peuvent jouer en votre avantage dans leur décision de vous représenter. Ayant aussi un rôle de conseils essentiels auprès des revendeurs (caves, GMS, CHR,..), ils deviendront vos meilleurs commerciaux si vous établissez des liens de confiance avec eux.
Nous avons interrogé trois distributeurs de bières artisanales indépendantes, deux nationaux, DBI (Paris) et La Compagnie des Boissons Vivantes (Montreuil) et l’autre régional, Dauphi-Bières (Grenoble), afin de recueillir leurs recommandations et conseils quant à leurs attentes et à leurs critères de sélection.
1 - Développer votre réputation et votre distribution au niveau local
La notoriété des brasseries est devenue un prérequis : avant de vous faire distribuer, commencer par développer votre propre réseau local. Faites-vous connaître, aller sur les marchés, foires, salons et évènements locaux, rencontrez les acteurs de la filière. Le fait de passer par un distributeur a un coût et il doit bien être évalué dans votre montée en puissance et en gamme. Cela ne doit pas être votre premier modèle économique. Par ailleurs, les distributeurs ayant tendance à analyser la réputation de la brasserie, une brasserie inconnue et fraichement montée aura moins de chance de se faire distribuer. Cette popularité s'établit également via les applications de notation de bières (Untapped, Biernard, Ratebeer,..), certains cavistes ne choisissent leurs bières que par ce biais. Vous devez donc vous constituer votre communauté qui sera votre premier prescripteur, initiant un cercle vertueux.
2 - Intention de la brasserie
Les distributeurs de bières indépendantes sont particulièrement attentifs à votre vocation et à vos aspirations. Avez-vous choisi d’être brasseur par passion ou pour le business? Êtes-vous dans la recherche de saveurs ou restez-vous très conventionnel? Quelle est la portée de votre projet ? Quelles sont vos perspectives? Votre personnalité et votre « storytelling », le rapport humain et l’adéquation de vos valeurs mutuelles, joueront beaucoup dans la perception des distributeurs.
3 - Identité, Qualité et Régularité de la production de bières
La qualité de votre gamme « permanente » et la capacité de votre brasserie à fournir des bières stables de façon régulière sont très appréciées, et est même un prérequis pour certains réseaux de distribution. Le respect des Styles est l’un des critères de sélections des distributeurs, qui goûtent la plupart des bières sélectionnées : si dans les équipes, chacun à ses préférences de styles, lors de la sélection, tous doivent être amenés à les reconnaître et à estimer leurs bonnes fabrications.
Certaines de vos bières devenant des « classiques », vous devez être en capacité de fournir régulièrement les revendeurs, qui ont besoin d’une sécurité d’approvisionnement, qui sont dans l’attente de « valeurs sures » et sont loin d’apprécier l’aléatoire, et encore moins les bières dont la production est encore mal maîtrisée (explosion, gushing,…)...
Paradoxalement, ce critère n’est pas totalement vrai pour les brasseries dont l’ « ADN » ne leur fait produire que des bières « éphémères ».
L’orientation de votre brasserie, dans sa gamme et les formats proposés (fûts/bouteilles) doivent donc être adaptés au type de distributeurs et à leurs catalogues et marchés.
Entrepôt de La Compagnie des Boissons Vivantes à Montreuil
4 - Nouveautés, Innovations et qualité de ses bières éphémères
La demande pour des bières « geek » étant de plus en plus importante, beaucoup de revendeurs sont dans l’attente de bières innovantes, de séries spéciales, de façon très régulière. Les fans de craft beers adorent les nouveautés - qui ne connaît pas des personnes n’achetant jamais deux fois la même bière ? Ces bières éphémères ont aussi pour avantage de faire parler de votre brasserie et au final de remettre en avant toute votre gamme (et inversement). De plus, certains cavistes se prévalent de leur sélection très originale et moins « mainstream », leurs permettant de se démarquer (notamment de la GMS).
5 - Communication, PLV et animations
Les revendeurs sont friands d’informations, de goodies et d’animations. N’hésitez pas ainsi à proposer dans votre package du matériel « merchandising » mettant en valeur votre brasserie et vos bières : fiche présentation/dégustation pour les cavistes, affichettes pour décorer les points de ventes, poignées de tireuses pour les bars, mais aussi verres et sous-bocks qui sont très demandés par les consommateurs. Dans certaines GMS, les box/présentoirs/display de bières sont aussi bienvenues.
Certains cavistes, bars et autres revendeurs apprécient également les « dégustations avec le brasseur » et autres Tape Take Over (TTO), n’hésitez pas à vous mettre parfois à disposition des revendeurs et même à proposer vos propres animations/dégustations.
Dans la même lignée, au niveau marketing, le packaging de votre bière est l’un des grands facteurs de la perception globale de votre bière. La qualité de vos illustrations, la texture de l’étiquette, la forme et le format des contenants proposés doivent donc être qualitatifs et soignés.
Travailler avec un distributeur constitue un véritable partenariat. Vous devez construire une relation de confiance avec lui, être arrangeant et disponible. Le choix d’un distributeur dépend également de votre philosophie de distribution : locale, nationale, internationale. Les distributeurs essayent de se constituer des portefeuilles représentatifs de brasseries, tant dans leur production que dans leur localisation. Dans la mesure du possible, essayez de comprendre leurs besoins et leurs manques, chaque région ayant ses spécificités. N’oubliez pas également que vous pouvez vous entendre sur le périmètre de distribution avec les distributeurs, que ce soit sur le type de réseaux (cave/GMS), comme sur la zone de distribution. Chaque distributeur fonctionnant de manière différente, vous devez également étudier leurs modalités contractuelles.
A noter également, l’arrivée de nouvelles plateformes de distributions et services, type « place de marché », permettant de mettre en relation les brasseries avec les acheteurs professionnels tout en assurant l’aspect logistique. (« stay stuned ! »).
Les distributeurs vous représentent, mais c’est à vous de faire que l’émulation avec les revendeurs et le public fonctionne. On sait que les artisans ne sont pas forcément des commerçants, mais vous ne pouvez pas éviter de jouer un peu ce rôle, d’analyser le marché et de comprendre et mettre en œuvre des techniques de commercialisation : Produit-Prix-Placement-Promotion.
Vincent Ferrari
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- Catégorie : Conseils et techniques
Le métabolisme du soufre revêt une importance particulière pour la qualité de la bière tout au long du processus de brassage. L'homme a évolué pour devenir très sensible aux composés soufrés, qui sont associés aux aliments toxiques ou pourris. De nos jours, nous pouvons déterminer la qualité des aliments par d'autres moyens, mais ces molécules jouent toujours un rôle important dans la saveur et la qualité de la bière.
Il existe un large éventail de composés soufrés dans la bière. Le sulfure d'hydrogène (H2S) présente un intérêt particulier car sa présence est liée à la souche et au métabolisme de la levure. Le H2S est une très petite molécule, connue dans l'industrie brassicole depuis la fin du XIXe siècle. Elle est très volatile et son seuil de perception est très bas, rappelant celui des œufs pourris. Le H2S peut avoir un impact direct sur le profil aromatique de la bière ou peut masquer d'autres composés aromatiques présents dans la bière.
Bien que de petites quantités de ce composé puissent être acceptables voire souhaitables, en excès, il peut entraîner des arômes désagréables, généralement décrits comme des œufs pourris. Pour cette raison, la production de H2S par la levure doit être limitée autant que possible pendant la fermentation, ce qui nécessite une compréhension détaillée du métabolisme et des besoins nutritionnels des souches de levure spécifiques.
Le soufre est un élément important dont tous les organismes vivants ont besoin, notamment en tant que composant des acides aminés cystéine et méthionine, ainsi qu'en tant que composant de cofacteurs vitaux (composés chimiques non protéiques nécessaires à l'activité biologique d'une protéine). Les levures de brasserie, ainsi que de nombreux autres micro-organismes, peuvent métaboliser les composés soufrés par différentes voies. Il est généralement admis que la principale voie de formation de H2S dans la levure est la voie de la séquence de réduction du sulfate (SRS). L'activité des enzymes de la voie SRS dépend de la souche et est influencée par les conditions environnementales, ce qui est décrit en détail dans un livre blanc dédié de Lallemand Brewing (en anglais).
Structure moleculaire du sulfure d'hydrogene h2s
Comment le H2S est-il produit pendant le brassage?
Le H2S est produit à différentes concentrations par les levures de brasserie en fonction de divers facteurs, notamment la composition du moût, les conditions de fermentation et la génétique de la levure. Le H2S peut être produit par la contamination des levures de brassage et des levures sauvages, par une contamination bactérienne, pendant la fermentation ou la maturation. La quantité de H2S produite est déterminée par plusieurs facteurs, notamment la souche de la levure, la température de fermentation, la composition en azote du moût et les pratiques de manipulation de la levure.
Oxygène
L'introduction d'oxygène à la fin de la fermentation pendant le conditionnement ou le transfert de la bière est associée à une augmentation des niveaux de H2S dans la bière finie. L'introduction d'oxygène après la fin de la fermentation peut avoir pour effet de stimuler la levure pour qu'elle réactive son métabolisme dans un environnement appauvri en nutriments, ce qui entraîne la production de H2S.
Réponses au stress
La formation de H2S est également associée à des réactions de stress dans la cellule de levure. Une nutrition inadéquate (faible taux d'azote ou de vitamines), une vitesse d'ensemencement insuffisante et une température de fermentation trop basse ou trop élevée peuvent entraîner une surproduction ou une incapacité à éliminer le H2S de la bière en fermentation. Le stress de la levure et l'autolyse se produiront probablement en parallèle, ce qui entraînera un profil complexe de mauvaises saveurs.
Formation du Sulfure d'hydrogène dans la levure saccharomyces cerevisiae - copyright Lallemand Inc. 2021
Souches de levure
Les différentes souches de levure varient dans leur réponse aux facteurs physiologiques et environnementaux dans la production et la réabsorption du sulfure réduit. Il est important de connaître le potentiel d'une souche de levure spécifique à produire et ensuite à éliminer le H2S lors de la sélection d'une souche pour un style de bière particulier.
Les ions de cuivre
Les ions de cuivre présents dans la bière peuvent réagir avec le H2S pour former du sulfure de cuivre insoluble et non volatil, qui précipite dans la bière. De faibles concentrations de cuivre peuvent entraîner des quantités plus importantes de H2S.
Les équipements en acier inoxydable peuvent augmenter la prévalence de la production de H2S.
Les équipements de brassage traditionnels étaient fabriqués en cuivre, ce qui apportait des ions cuivre à la bière en fermentation. Les équipements de brassage modernes sont le plus souvent fabriqués en acier inoxydable, ce qui réduit les concentrations de cuivre dans la bière et augmente la prévalence du H2S.
Le cuivre est apporté par de multiples ingrédients dans le processus de brassage, notamment l'eau, l'orge maltée, le houblon et/ou la levure. A noter que dans une étude, des échantillons de 19 bières différentes ont tous donné des résultats bien inférieurs aux concentrations maximales autorisées
Le H2S peut se former :
- Pendant la fermentation primaire, lorsque la biomasse des levures est à son maximum.
- Dans les dernières étapes de la consommation de sucre
Le H2S peut être réduit :
- Pendant le bourgeonnement de la levure
- Pendant la fermentation active
- Après avoir atteint l’atténuation limite
- pendant la maturation, lorsque la bière est en contact avec la levure.
Des niveaux élevés de H2S peuvent également résulter de conditions qui stressent la levure ou contribuent à son autolyse prématurée. De plus, le sulfure d'hydrogène est une molécule très réactive qui peut se combiner avec des composés carbonylés pour produire d'autres arômes plus stables, comme les arômes végétaux, caoutchouteux ou d'égout des mercaptans.
Pour éviter les problèmes de H2S dans votre bière, choisissez une souche de levure qui produit moins de H2S comme la nouvelle levure saison LalBrew Farmouse™ et assurez-vous de comprendre ses besoins en nutriments. Assurez une fermentation vigoureuse pour chasser le H2S volatil par chasse au CO2 et veillez à ce qu'une levure saine soit présente dans la bière à la fin de la fermentation pour réabsorber le H2S restant. Le choix de la souche est particulièrement important pour les souches de bière blonde, qui sont moins vigoureuses et n'éliminent donc pas efficacement le H2S par chasse au CO2. Pour obtenir des fermentations vigoureuses, il faut introduire une quantité suffisante de levure saine dans un moût riche en nutriments et fermenter à une température appropriée pour cette souche. La réabsorption du H2S par la levure après la fermentation est favorisée par des temps de maturation plus longs, en particulier pour les souches de bière blonde.
La meilleure défense contre le H2S est de s'assurer qu'il n'est jamais produit en premier lieu. Lallemand Brewing fournit aux brasseurs et brasseuses des outils utiles qui limiteront la production de H2S et aideront les brasseries à y faire face. Lallemand est désormais en mesure de produire de nouvelles souches de levure hybrides ne produisant pas de H2S, éliminant ainsi le risque de ce mauvais goût courant dans la brasserie.
Vous souhaitez en savoir plus sur le H2S ? Téléchargez le livre blanc ici (en anglais).
Eric Abbott - Conseiller technique mondial et Directeur des ventes techniques - Lallemand Brewing Canada
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Dossier Bières et Fruits – partie 1 : Le raisin
Œno bière, vière, Grape Ale, bière de vendanges, les bières au raisin suscitent étonnement et enthousiasme dans le monde. Conjonction des savoir-faire vinicoles et brassicoles, ces hybrides sont d’ailleurs une porte d’entrée dans les univers respectifs des vignerons et des brasseurs. Si de vieux styles lambics belges utilisaient ce fruit, les hybrides bière-vin ont pris leurs lettres de noblesse depuis une quinzaine d’années grâce aux nombreuses expérimentations des brasseurs, notamment des italiens, qui ont réussi à établir un nouveau style : l’IGA pour « Italian Grape Ale », ou bière ale italienne au raisin. Style qui sera redivisé sans doute dans le futur en sous-styles, tant les techniques peuvent être diverses : de l’utilisation de moût de vin aux assemblages, des fermentations spontanées ou contrôlées, au vieillissement possible en barrique.
A l’heure des vendanges dans nos contrées riches en cépages, partons à la découverte des « oenobières » et de différentes brasseries qui en produisent : La Vaugermaine, Gallia, Hoppy Road, Verdus, Les Acolytes…
Bières au raisin : Style(s) ou Stylée(s) ?
L’utilisation du raisin dans la bière n’est pas totalement récente. Comme vous pouvez vous en douter, c’est en Belgique, pays des lambics aux fruits que l’on retrouve les premières expérimentations avec l’utilisation de muscats pour produire des Druivenlambiks (lambics aux raisins en flamand). Si ce style a failli disparaître au 20ème siècle, contrairement aux Krieks à la cerise, aux Gueuzes à la framboise, à la fraise ou au cassis ou bien aux Pêcheresses à la pêche, la Brasserie Cantillon l’a ressuscitée dans les années 70 et continue à en produire aujourd’hui.
Mais c’est en Italie dans les années 2000, que la fusion des techniques de brassage et de vinification s’est effectuée. En 2006, Birrificio Barley fût la première brasserie à produire une bière avec du moût de raisin, suivie par Montegioco, inspirant de nombreuses autres brasseries jusqu’à la reconnaissance d’un style, l’IGA - Italian Grape Ale, par le BJCP (Beer Judge Certification Program) en 2015 qui le fit (re)connaître et se propager dans le monde entier.
Avec pour objectif de produire une bière qui porte dans le verre les caractéristiques reconnaissables du raisin ou du vin, sans être aussi intense qu’une lambic, et comme seule contrainte l'utilisation de raisins ou de moûts de raisins, les lignes directrices de ce style sont assez larges et conduisent à des bières aux profils très hétéroclites en fonction des techniques utilisées.
« Ingrédients : Pils ou malt de base pâle avec quelques ajouts (si besoin) ou des malts spéciaux. La teneur en raisins peut représenter jusqu'à 40 % de la mouture. Le raisin ou le moût de raisins (parfois largement bouilli avant utilisation) peut être utilisé à différentes étapes : ébullition, fermentation primaire/secondaire, ou vieillissement. La levure de bière ou de vin peut montrer un caractère neutre (plus fréquent) ou un profil fruité (souches anglaises et belges). Une large gamme de variétés de houblon peut être utilisée en faible quantité afin de ne pas trop caractériser la bière.» Italian Grape Ale - BJCP Style Guidelines (2015).
Ainsi, les brasseurs peuvent expérimenter et travailler sur de nombreux aspects, du choix des cépages et de types de moûts aux assemblages, du type de fermentation et des levures, du type de productions aux vieillissements.
C’est pourquoi, le BJCP semble vouloir redéfinir le style IGA et le renommer tout simplement en « Grape Ale » (bière au raisin), ne résolvant pas pour autant la problématique des techniques et des styles sous-jacents qui semble émerger, ou se rapprocher de styles existants, comme celui des lambics fruitées ou des Sours et des American Wilds comme les Bretts, dans le cas des bières fermentées avec des levures sauvages. Contacté à ce sujet, le BJCP confirme qu’une mise à jour des styles est en cours mais se refuse de commenter ce qu’il qualifie de « rumeur ». Edit décembre 2021 : Le style a bien été renommé en "Grape Ale" dans le nouveau Guide des styles BJCP 2021.
Une pétition a été lancée cette année en Italie pour préserver la dénomination IGA et reconnaître le rôle des braseurs italiens dans la création de ce style, à signer ici si vous désirez soutenir vos confrères Italiens : https://www.change.org/p/bjcp-style-guidelines-commettee-grape-ale-is-italian . En parallèle, un concours international dédié à l’Italian Grape Ale vient d’être créé et se déroulera en octobre à Turin : https://www.italiangrapeale.org/ . A noter que cette catégorie existe déjà dans certains concours internationaux comme le Brussel Beer Challenge, et bien entendu, dans le concours national Italien, Birra dell’Anno, avec 3 sous-catégories, Blanc, Rouge et Sour.
Vière, Oeno bière, Grape Ale, Bière de Vendange..
Le débat sur la ou les dénomination(s) stylistique(s) des oenobières commence donc à peine. La diversité des techniques rend le spectre des Grape Ales plus large qu’il n’y parait notamment parce qu’il n’y a pas que des ales mais aussi des lagers... De plus, ces bières reflétant quelque part une partie du terroir – ses cépages et ses levures- dans lequel il est produit ou auquel il se réfère. Chaque pays viticole pourrait revendiquer un sous-style… French Grape Ales ? En France, les brasseries qui en produisent ont du mal à nommer le style de leurs bières :
« Il est difficile pour moi de classer notre bière, tant cela pourrait la réduire » nous confie Odile Van Dermoere de La Vaugermaine qui avant d’être brasseuse, fut maître de chais dans un domaine du Chablis.
« Le terme « vière » vient d’une dégustation avec un ami, il est resté comme un clin d’œil. Pour le moment, je trouve difficile de classifier ces bières sous un style tant les procédés peuvent être différents. Nous produisons à partir de différents styles Ale, Lager, Stout, IPA,.. » Rémy Maurin – maître brasseur de Gallia.
Pour Julien Pecheur de la Brasserie Hoppy Road, qui a produit 2 hybrides cette année, si l’une la Liquid Love est une Grape Ale, sa Schmoutz élevée sur lie dans un foudre pendant 15 mois serait plutôt « une Sour Ale de fermentation mixte, car la proportion de matière venant de la vigne est très faible ».
Certaines brasseries associent le raisin à des styles déjà connus (Pale Ale, IPA, Lager,…), comme Thomas Le Grix De La Salle, qui est l’un des premiers à avoir réalisé des bières au raisin en France, travaillant dans la propriété familiale Château Le Grand Verdus à Bordeaux, qui a commencé à produire à façon chez des brasseurs dès 2013. « L’idée est de faire des paires, c’est-à-dire d’associer des bières en fonction des profils des cépages et de trouver un équilibre gustatif. Du Merlot sur une Pale Ale, du Sauvignon pour une blanche et du Cabernet Sauvignon avec une IPA »
Du côté des consommateurs, le style suscite l’enthousiasme. « Le retour du public est très bon, il y a le goût du vin avec la buvabilité de la bière. On essaye d’apporter une identité française brassicole notamment à l’étranger, et cette gamme-là reflète quelque part le terroir français grâce aux cépages qui y sont présents » nous explique Rémy Maurin –Gallia, qui produit sa gamme Sauvage depuis 2019. « Les gens du monde du vin sont agréablement surpris, les gens qui aiment la bière sont plus dubitatifs à la première gorgée. Les avis sont beaucoup plus tranchés par rapport à des styles plus consensuels » Antoine Portier – Les Acolytes
« Nous avons de très bons retours, tant des hommes que des femmes, qui la trouvent fine et élégante », nous précise Karine de La Vaugermaine qui s’occupe de la commercialisation et dont la bière se retrouve beaucoup sur les tables des restaurants.
Techniques et Utilisations des ingrédients
Utilisations du Raisin : moûts et marcs
Si l’idéal pour une hybride vin-bière est d’utiliser du moût (jus) de raisins frais récoltés dans les heures précédant le brassage, il est également possible d’utiliser du moût cuit, réduit, si il n’est pas possible de brasser tout de suite. C’est d’ailleurs de cette façon que la première IGA de la brasserie Barley a été réalisée, grâce à du Sapa, un sirop de raisin très proche du Raisiné bourguignon. Il est également possible d’utiliser le marc de raisin (le résidu du pressage) comme lit filtrant qui ajoutera au passage quelques composants et sucres du raisin. « Je mélange du jus non fermenté à hauteur de 10% sur une bière légère afin de respecter le cahier des charges de la dénomination « bière à». Je l’ai imaginé non pas pour mettre en avant le chardonnay mais pour donner un style de bière qui correspondrait plus à un vin de chablis sur sa précision et son élégance, qui soit une bière de dégustation. » Odile Van Dermoere – La Vaugermaine.
Le choix des modalités d’ajouts varie selon la typologie de fermentation désirée, contrôlée ou spontanée. Même si cette dernière exige de nombreux tests et contrôles, tant le risque de contamination par les levures et bactéries présentes dans les moûts des vins est important. « Nous envoyons le moût non fermenté à la brasserie, après filtration tangentielle pour éviter les pollutions microbiologiques, dans des poches maintenues à – 20°C » nous explique Thomas Le Grix De La Salle – Brasserie Verdus. Il faut d’ailleurs considérer que le grain de raisin commence à fermenter très rapidement du moment qu’il est fendu et que la température dépasse 12°C.
Ainsi, le moût peut être ajouté en fermentation primaire ou en refermentation, ce qui peut se faire également directement en barrique pour profiter de surcroit des levures qui y seraient présentes. Il faut bien prendre en compte l'acidité du moût de raisin et son influence sur le pH.
Quant à la couleur, si la plus grande partie des bières hybrides est réalisée avec des cépages blancs, les cépages rouges sont aussi appréciés pour les teintes données (anthocyanes). Cela dépend généralement des variétés cultivées proches de la brasserie et de la qualité organoleptique de ces cépages.
« Les cépages utilisés proviennent de région différentes : Sylvanner, Gerwutz et Pinot Noir d’Alsace, Gamay de Loire, mais aussi Syrah, Merlot, Carignan, Cabernet Franc, Pinot Gris, Loin de l’œil (un cépage rare du Sud-Ouest)... Nous utilisons entre 15 et 35% de raisin par brassin, en fonction du cépage et de l’état de la récolte […] J’utilise les cépages que j’aime mais cela dépend aussi des disponibilités : cette année, la viticulture a connu pas mal de problèmes météorologiques et donc des maladies, il faut être très attentif. » Rémy Maurin – Gallia.
Les cépages de raisin à vins sont préférés à ceux des raisins de table, car ceux-ci sont plus acides et sucrés, leur ratio peau/pulpe est plus équilibré, et ils contiennent plus de levures du fait d’une utilisation moindre de pesticides. Il faut donc se préparer et anticiper les vendanges, pour réceptionner, préparer le raisin et le plus souvent, brasser dans les heures suivantes. Cela représente pour les brasseries une très grosse organisation. « Nous recevons le raisin dans les heures suivants la récolte grâce à un transport frigo. Nous égrappons et foulons les raisins à la brasserie. Nous avons 2 mois assez intenses car il ne faut pas se manquer sur la production de l’année. » Rémy Maurin – Gallia.
Levures de vin ou de bière et Fermentation
Les hybrides vin-bières ont généralement un profil légèrement acide et sec. Mais elles peuvent aussi être très proches des bières Sour lorsque la fermentation s’effectue avec des levures sauvages en barrique, dont les brettanomyces et les bactéries lactiques. A noter que les raisins matures ont peu de saccharose ou d’amidon, mais contiennent jusqu’à 25 % de fructose et glucose. Les brasseries utilisent ainsi plusieurs méthodes :
- Fermentation spontanée du moût en utilisant les levures et bactéries naturellement présentent sur les raisins. « Il y a une macération de quelques jours pour démarrer la fermentation, puis une fermentation de 1 mois et demi avec les levures indigènes dans des cuves inox, puis un élevage de 4 mois et demie dans ces mêmes cuves. Pour certaines bières, nous procédons à une fermentation malolactique après la fermentation alcoolique. […] Sur certaines bières de la série, nous devons ajouter du sucre, pour aider les levures sauvages à consommer les sucres de l’orge : maltose, maltoriose… mais la technique consiste à envoyer les moûts progressivement dans la cuve de brassage afin de favoriser leurs multiplications dans le moût de raisin grâce à l’aération. L’idée est de favoriser les saccharomyces et d’éviter les volatiles qui peuvent nuire aux arômes ou acidifier le jus. » Rémy Maurin - Gallia.
- Variante : Fermentation à partir des lies du vin (le résidu des levures qui tombent au fond de la cuve lors des fermentations alcooliques ou malolactiques), comme la Schmoutz de Hoppy Road. « Nous utilisons uniquement les lies et non le moût, majoritairement Riesling avec un peu de Verdejo. Après 15 mois d'affinage dans un foudre ancien ayant contenu du Pinot Noir d'Alsace, elle révèle toute sa complexité entre acidité légèrement vineuse, gourmandise céréalière et tanins boisés. » Julien Pecheur, Hoppy Road.
- Utilisation de levures de bières, généralement des levures de fermentation haute, principalement des souches neutres et belges afin de ne pas altérer le bouquet d’arômes des vins.
« Je suis partie sur une levure classique, de fermentation haute, qui sédimente assez vite, mais je me concentre plus sur la garde afin d’obtenir une bulle assez fine, proche d’un champagne » Odile Van Dermoere – La Vaugermaine.
- Utilisation de levures de vin types saccharomyces cerevisiae, capables de libérer et de convertir plus de thiols et de produire des composés aromatiques fruités. A noter que la fermentation est généralement plus longue du fait que ces levures consomment moins vite les sucres tel le maltose.
- Cofermentation - Levures de bière pour la première fermentation et de vin (indigènes ou exogènes) pour la secondaire en bouteille, dans le cas par exemple de l’utilisation de la méthode champenoise.
D’une manière générale, un temps de garde et de maturation/élevage est nécessaire pour aider les levures à consommer les sucres et affiner le breuvage. Cela peut être fait soit dans les cuves, soit en barrique, et parfois même en amphore.
« Pour notre première bière au raisin, j’ai mis du marc à fermenter dans des amphores sur une base de bière simple plusieurs mois, puis un vieillissement en fût de chêne de 3ème vin afin de ne pas avoir un goût de bois trop prononcé » nous explique Antoine Portier de la brasserie Les Acolytes qui a été fondée par deux cousins dans un vignoble à Cahors et qui expérimentent chaque année de nouveaux procédés sur différents cépages.
Le type de fermentation orientera également le style de bière, allant généralement soit vers les Grape Ales ou les Sours.
Houblons & Malts
Le raisin rendant les oenobières légèrement acides et sèches, et le style se voulant porté les arômes du raisin, l’amertume et les arômes des houblons ajoutés doivent être modérés. En général, l’IBU se situe entre 15 et 30. Les arômes du houblon complémentaires ont des notes herbacées, poivrées ou agrumes.
« Il y a un peu de houblons dans les « vières ». Il permet de contrôler la fermentation spontanée grâce à son côté aseptisant, afin de réguler la prolifération de certaines bactéries comme les lactiques et favoriser les saccharomyces» Rémy Maurin – Gallia. « Le houblon m’apporte un côté végétal et permet d’accentuer le côté citronné. » Odile Van Dermoere – La Vaugermaine
Quant aux malts, si les brasseries préfèrent un malt pils ordinaire ou éventuellement un malt pale, les malts spéciaux sont à utiliser avec parcimonie car ils peuvent nuire à l’expression du cépage.
« Pour notre bière des vendanges, nous utilisons une levure et un malt assez neutres, afin de retrouver le côté vineux dans la bière » Antoine Portier – Les Acolytes
La coloration peut d’ailleurs se faire en partie grâce à la barrique « la couleur est principalement due à la base maltée qui fait intervenir certains malts caramels assez foncés. Le foudre a pu tuiler légèrement la teinte de la bière. » Julien Pecheur, Hoppy Road.
Pas uniquement une boisson curieuse, les hybrides vins-bières sont plutôt complexes : il ne suffit pas d’ajouter du vin à la bière, ni du houblon au vin, même si cette dernière expérimentation donne un résultat assez original… La dénomination actuelle ne couvre pas pour le moment sa diversité, le style Grape Ale tend certainement à évoluer vers des sous-styles. Les bières au raisin, dans la lignée des vins naturels, ouvrent de nouveaux champs de possibilités organoleptiques, de recherches et de productions. L’équilibre des différents ingrédients et les aspects physico-chimiques nécessitent une démarche scientifique mais aussi une réelle curiosité et des connaissances des deux univers du vin et de la bière. Qui sait si la brasserie ne sauvera pas la viticulture?...
Merci grandement aux brasseurs qui nous ont transmis avec gentillesse et passion, une partie de leurs expériences dans ce domaine :
Odile Van Dermoere - La Vaugermaine
Antoine Portier – Les Acolytes
Rémy Maurin – Gallia
Julien Pecheur - Hoppy Road
Thomas Le Grix De La Salle – Brasserie Verdus
MAJ Source 2023 :
Novelty of Italian Grape Ale (IGA) beer: Influence of the addition of Gamay macerated grape must or dehydrated Aleatico grape pomace on the aromatic profile : doi.org/10.1016/j.heliyon.2023.e20422
Vincent Ferrari
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Si d'anciennes brasseries conservent des cultures de bière multi-souches, peu de nouvelles expérimentent les possibilités des mélanges de levures. Pourtant les mélanges pourraient procurer plusieurs avantages en termes de saveur et de performance de fermentation. Mais cela pourrait conduire aussi à la création de nouveaux styles de bières, grâce par exemple à des mélanges de souches de levures de bières et de vins.
Le rôle de la levure dans le brassage, un regard sur l'histoire.
Sans levure, pas de bière. Pas de bière, pas de civilisation. La bière est brassée depuis des millénaires (environ 13 000 ans, selon certaines preuves archéologiques). Toutefois, ce n'est que relativement récemment que nous avons commencé à comprendre le rôle que joue la levure dans la production de la bière et dans la fermentation alcoolique. Les brasseurs et brasseuses de l'Antiquité s'appuyaient sur des sources naturelles, « l'inoculum », pour démarrer la fermentation, sans savoir ce qu'était la levure.
Pendant longtemps, le brassage a été un mélange de mystère, de magie et de tradition, et les cultures de levures utilisées pour la production de bière étaient principalement des cultures multi-souches (c'est-à-dire des cultures de levure contenant 2 ou plusieurs souches distinctes) qui reposaient sur des interactions donnant du caractère et de la diversité aux styles de bière. Sans le vouloir, la levure a été ainsi domestiquée et les cultures qui fermentaient le mieux ont été sélectionnées. On en a déduit que la levure était importante et on recueillait le sédiment crémeux d'un brassin pour l'inoculer aux brassins suivants.
Ce n'est qu'au milieu du 19e siècle que Louis Pasteur a identifié la levure comme étant responsable de la fermentation alcoolique.
Ces progrès, associés à de nouvelles techniques microbiologiques stériles, ont conduit Christian Hansen à développer la technique de culture pure en 1883, isolant ainsi pour la première fois des cultures de levures à souche unique.
Cette technique, associée à des progrès techniques tels que la réfrigération, a entraîné l'industrialisation généralisée de la production de bière blonde, et l'utilisation de cultures de levure pure à souche unique est devenue la norme.
On pourrait bien affirmer que ces progrès ont abouti à une homogénéité des styles et des saveurs de bière, au détriment de la diversité. Cette influence est largement restée dominante, la grande majorité des bières fabriquées dans le monde étant produites avec des cultures à souche unique.
Bien sûr, il existe des traditions brassicoles régionales qui n'ont pas succombé à l'homogénéité des techniques et des styles. Les cultures de levures utilisées dans les styles de brassage belges traditionnels par exemple, peuvent être très complexes, avec plusieurs Saccharomyces, non-Saccharomyces et parfois des bactéries présentes, ce qui donne un caractère sensoriel audacieux et distinct.
De même, au Royaume-Uni, un certain nombre d'anciennes brasseries régionales conservent des cultures de bière multi-souches qui donnent souvent à leurs bières un caractère unique et une "saveur maison". Une tradition brassicole notable qui suscite actuellement beaucoup d'intérêt est la bière de ferme norvégienne et l'utilisation de cultures Kveik.
Ces différentes cultures gagnent en intérêt et en popularité à la fois en termes de contribution unique à la saveur et à l'arôme, mais aussi pour des caractéristiques fonctionnelles telles que la tolérance à des températures de fermentation élevées (>35°C) et des temps de fermentation très rapides (<48 heures). Le tableau ci-dessous détaille les travaux récents caractérisant la composition de certaines de ces cultures Kveik, qui contiennent un mélange de levures (et parfois de bactéries) avec des niveaux de complexité variables.
Pourquoi mélanger des levures ?
Les gammes et la diversité des souches et des cultures de levures disponibles dans le commerce ne cessent de croître, la grande majorité d'entre elles étant des cultures mono-souche bien caractérisées. Avec un tel potentiel et un tel choix, le mélange de souches représente une opportunité encore plus grande pour les brasseries d'augmenter la diversité des saveurs et des fonctions.
Plusieurs approches peuvent être adoptées pour mélanger les souches, dont certains avantages potentiels :
- Mélange pour la saveur ; être capable d'affiner et peut-être même de créer de nouveaux profils sensoriels avec différentes combinaisons de souches de levure.
- Performance de la fermentation : sélectionner des souches avec des caractéristiques fonctionnelles spécifiques pour atteindre un objectif souhaité qui pourrait inclure la tolérance à la température, l'utilisation des sucres, la floculation et la prévention ou le sauvetage d'une fermentation bloquée.
- Gestion des coûts
- La satisfaction d'une demande continue du marché pour quelque chose de "différent", comme par exemple les hybrides vin-bière.
Bien sûr, il ne s'agit pas simplement de mélanger différentes souches et d'espérer le meilleur, il est impératif de prendre en considération et de comprendre les caractéristiques des différentes souches et de considérer des traits tels que :
- La phase de latence ; les différences entre les souches
- Utilisation du substrat : quels sucres les levures peuvent-elles fermenter ?
- Floculation : comment les souches interagissent-elles ?
- La saveur : les souches seront-elles complémentaires et bien adaptées les unes aux autres ?
- Facteur de destruction ; un facteur très important à prendre en compte lors de l'utilisation de levures de vin en cofermentation (voir ci-dessous). Une levure « killer positive » peut-elle inhiber les autres levures présentes ?
- Quand ajouter les levures : ensemble (cofermentation), inoculation séquentielle, fermentation secondaire ?
Une question évidente et un inconvénient potentiel du mélange de souches est de savoir comment on peut récolter et réensemencer une culture multi-souches ? Cela peut s'avérer difficile en fonction des souches utilisées, et le prélèvement d'un échantillon représentatif pour un réensemencement ultérieur devient très difficile à réaliser du point de vue de la cohérence.
La concentration cellulaire et la dominance d'une souche par rapport à l'autre rendent problématique la cohérence d’un réensemencement, ce qui peut limiter le mélange à un seul usage. De plus, le résultat du mélange des souches de levure est incroyablement difficile à prévoir.
Bien que de nombreuses souches de levure soient très bien caractérisées, il existe actuellement peu de recherches et d'informations sur la façon dont elles interagissent avec d'autres souches. Il y aura toujours un certain degré d'essais et d'erreurs jusqu'à ce que davantage d'informations soient disponibles.
Exemples :
Potentiel avec les levures de vin
Il existe plusieurs cultures de levures belges notables dont on soupçonne qu'elles trouvent leur origine dans le vin. Au cours des dernières années, on a fait des incursions dans l'utilisation des levures de vin pour des applications brassicoles, mais cette pratique n'a pas été largement adoptée pour la recherche de nouvelles saveurs.
Au Royaume-Uni, un certain nombre de brasseries ont utilisé des levures de vin en cofermentation avec des levures de brassage pour obtenir un profil et un caractère de saveur qui n'auraient pas pu être obtenus en utilisant une levure de brassage seule. Par exemple, Runaway Brewery (Manchester) a produit plusieurs bières en utilisant la souche de levure Lalvin 71B (Beaujolais) en cofermentation avec une levure de saison (Belle Saison) dans des bières telles que Farmhouse Pale, Black Grape (avec ajout de jus de raisin) et Dandelion Ale.
Dans ces exemples (et dans les exemples similaires ci-dessous pour la "Graft" de Donzoko), la levure de vin (71B) est ensemencée en premier, puis la levure de saison (Belle Saison) est ajoutée pour compléter l'atténuation. Il s'agit d'un exemple d'inoculation séquentielle dans lequel les levures ne sont pas ensemencées en même temps ; le principe étant que la levure de vin est utilisée pour la fermentation primaire afin de donner un caractère et une saveur distincts, mais comme elle ne consomme pas le maltotriose, un sucre tri-saccharide, la levure de saison (avec une activité diastasique et donc une atténuation très élevée) est introduite pour compléter la fermentation et réduire toute douceur résiduelle, tout en complétant le caractère de la souche de vin.
Il existe un potentiel à explorer dans ce domaine. Les principales considérations à prendre en compte sont la consommation du sucre par la ou les souches de vin et le fait que la souche soit ou non « Killer Positive ». La 71B a été sélectionnée pour les bières ci-dessus en partie parce qu'il s'agit d'une souche « Killer Negative ».
Profil - Donzoko "Graft" :
- Levure Beaujolais (71B) & Belle Saison
- Inoculation séquentielle
- Fermentation primaire : levure de vin
- Atténuation complète : Saison
- Style fermier
- Caractéristiques sensorielles complexes et complémentaires
Au-delà des levures de brasserie
En plus d'explorer la gamme variée de levures de vin à la recherche d'arômes potentiels, les brasseries commencent à regarder au-delà des levures de brasserie typiques S.cerevisiae et S.pastorianus, et à envisager d'autres sous-espèces de Saccharomyces, ou des souches non-saccharomyces, ou des bactéries et des souches sauvages pour d'autres sources de microflores qui pourraient contribuer au style et à l'arôme de la bière.
Des souches comme S. kudriavzevii et Torulaspora delbrueckii ont un certain potentiel pour la production de nouveaux arômes, tandis que les espèces productrices d'acide comme Lachancea thermotolerans pourraient représenter un potentiel intéressant pour la production de bières acides/sour. De même, il y a beaucoup plus à rechercher et à tester en termes de bactéries (au-delà des lactobacilles) et, bien sûr, les levures sauvages comme Brettanomyces sont utilisées en brasserie depuis des siècles. Cela pourrait représenter une nouvelle approche de la fermentation brassicole et de la microflore utilisée.
Il ne fait aucun doute qu'il existe un grand potentiel en termes de contributions sensorielles et fonctionnelles de ces levures et bactéries étranges et merveilleuses, mais la problématique de la contamination croisée est toujours à prendre en compte, et les brasseurs comme les fournisseurs ont la responsabilité fondamentale de comprendre avec quoi ils travaillent et de gérer les risques en conséquence.
La Palette de l'Artiste
Les options et la diversité disponibles dans les levures et les bactéries peuvent être comparées au concept de la palette d'un artiste, qui consiste à mélanger les souches pour obtenir des résultats sur mesure. Les brasseurs et les brasseuses peuvent utiliser le large spectre de différentes souches pour exprimer des caractères dans une bière finie qui ne pourraient pas être atteints par une seule souche et pour créer de nouvelles bières vives et audacieuses.
Les combinaisons possibles sont pratiquement illimitées.
Conclusion
Les cultures multi-souches ont historiquement joué un rôle important dans le brassage, en particulier pour définir le caractère régional et la complexité des styles de bière. On commence maintenant à revisiter et à redécouvrir une partie de cette complexité, qui a sans doute été perdue dans le brassage industriel moderne.
L'intérêt croissant pour les cultures mixtes, comme les souches Kveik, témoigne de cet appétit croissant pour la recherche de nouvelles bières avec "quelque chose de différent". Il ne fait aucun doute que le mélange et la cofermentation présentent un grand potentiel, tant en termes de création de nouvelles caractéristiques sensorielles souhaitables que d'avantages fonctionnels et pratiques.
Cependant, avec toutes les options potentielles et l'enthousiasme suscité par le mélange des souches de levure, nous devons toujours comprendre avec quoi nous travaillons, comment les souches interagiront, quelles caractéristiques elles présenteront et, en fin de compte, si leur manipulation est sûre dans la brasserie et pour le consommateur.
Repousser les limites comporte certainement des risques, mais aussi des avantages, et il ne fait aucun doute qu'il y a encore beaucoup de travail et de recherche à faire dans ce domaine.
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La réussite d’un Dry Hopping (houblonnage à cru) dépend de nombreux facteurs : en premier lieu, les caractéristiques du houblon, mais aussi leurs modalités d’ajouts -quantité, température, durée- et enfin, le type de matériels utilisés. Deux nouvelles études publiées en 2021 par la SBCTA (Société brésilienne des sciences et technologies alimentaires) et par Scott Janish, l’auteur de The New IPA, pour la Master Brewers Association of the Americas, permettent de faire un point sur les dernières connaissances autour de ce sujet.
Rôle du Dry Hopping - Houblonnage à cru
Le Dry Hopping (DH) est une technique permettant de révéler des arômes et d’améliorer la stabilité des flaveurs de la bière, en incorporant du houblon en fin de brassage grâce à une extraction « à froid ». En effet, si les ajouts tardifs de houblons pendant le brassage « à chaud » permettent de donner une base de saveurs à caractère épicé, noble, herbacé, boisé ou bien fruité, de nombreux composés aromatiques s’oxydent et s’altèrent durant le processus. Le Dry Hopping fait ainsi ressortir des notes plus proches du houblon frais, notamment d’agrumes, florales et de pin. L’extraction des composés du houblon est optimisée par l’utilisation de pellets, par rapport aux cônes, qui permettent de maximiser la surface de contact de la lupuline, qui contient les composés aromatiques, avec le liquide. C’est pourquoi on préfère pour le Dry Hopping des variétés ayant une forte teneur en huiles essentielles, d’où proviennent les flaveurs, et une teneur modérée en résine, dont les acides alphas responsables de l’amertume. En effet, plus la concentration en acides alphas d'un houblon est élevée, moins de composés sont extraits dans la bière, les propriétés hydrophobes des acides retenant les huiles.
Facteurs d’influences du Houblonnage à Cru
Interactions des Composés du houblon et biotransformation
Les composés du houblon réagissent différemment selon leurs ajouts, à chaud ou à froid, et ne sont pas tous recherchés lors d’un Dry Hop. Cependant, il semble qu’il y ait certaines synergies entre certains composés qui améliorent la perception des saveurs. Ainsi, les thiols, des composés souffrés présents dans les huiles, pourraient amplifier le ressenti de certains esters, comme le 2MIB aux flaveurs d’abricot, mais aussi des alcools monoterpéniques, comme le géraniol ou le linalol, aux flaveurs florales et d’agrumes. Certains acides gras dérivés du houblon possèderaient également ces mêmes pouvoirs sur les alcools monoterpéniques. Un léger vieillissement du houblon peut augmenter ces acides synergiques par la dégradation oxydative des acides amers du houblon dans la formation d'acides gras à chaîne ramifiée. D’autre part, des ajouts d’acides sont également possibles : par exemple l'ajout d'acide 2-méthylbutrique peut renforcer la caractéristique "tropicale" de la bière, et celle de l'acide isovalérique, la caractéristique "fruitée". De plus, les houblons à forte teneur en géraniol amplifieraient ces mêmes flaveurs sur d’autres houblons possédant un taux plus faible !
Les hydrocarbures, comme le myrcène, ont une très faible solubilité par rapport aux monoterpènes oxygénés fruités, de 10 à 100 fois inférieure. Il semblerait néanmoins que les hazzy IPA « brumeuses » comme les NEIPA conserveraient des concentrations de myrcène beaucoup plus élevées que la normale. Un houblonnage à cru en milieu de fermentation pourrait être un moyen d’en réduire légèrement l'impact tout en lui permettant de contribuer à la complexité de la bière, grâce à la production de CO2 qui réduit les concentrations finales d'hydrocarbures.
Des recherches récentes semblent également démontrer des interactions entre certaines levures et les composés du houblon, entrainant une modification de leur composition, appelée la biotransformation. Les terpènes seraient les plus touchés, notamment le géraniol et le linalool.
Températures et Durées du houblonnage
Plusieurs études semblent démontrer que l’extraction des composés est assez rapide. Une étude a constaté une extraction complète en 4 heures des hydrocarbures et des alcools monoterpéniques. Dans des tests effectués sur un dry hopping de 7 jours, les concentrations de linalool et de myrcène au 7ème jour n’étaient pas supérieures à celles du 1er jour. Paradoxalement, les alcools monoterpéniques seraient extraits plus efficacement lorsque le taux d'alcool augmente, que dans une solution de bière non alcoolisée.
Une autre étude montre que l’extraction idéale du linalool et des acides alphas se fait dans les 3 premiers jours à froid comme à chaud et que les taux ne varient que très peu par la suite.
Influence de la température de la bière sur la solubilité du linalool (à 1,2,3 et 14 jours) – source : Dry Hopping – A Study Of Various Parameters - Willi Mitter & Sandro Cocuzza
Influence de la température de la bière sur la solubilité des acides alphas (à 1,2,3 et 14 jours) - source : Dry Hopping – A Study Of Various Parameters - Willi Mitter & Sandro Cocuzza
La température a également une importance. Si le linalool semble pouvoir être extrait avec peu de différence à des températures « chaudes » (20°C) ou froide (4°C), le myrcène -qui donne de arômes épicés, herbacés, boisés, verts et résineux- et les polyphénols, tous deux responsables de l’astringence, sont extraits beaucoup plus facilement à des températures « chaudes ».
Par exemple, il a été déterminé que pour un houblonnage à cru à 19°C, par rapport à 4°C, la concentration de polyphénols, responsables de l’astringence, doublait. Les concentrations maximales de polyphénols apparaissent vers le troisième jour et restent constantes par la suite. Il est à noter que les polyphénols semblent perturber les levures.
Par ailleurs, le gonflement et la désintégration des pellets qui se produisent simultanément, sont plus rapides à des températures « chaudes » et lorsque la concentration d’acides alphas est élevée.
Si ces questions restent essentielles, elles dépendent également d’autres variables, notamment la taille et le type de cuve, et l’agitation. De plus, un dry hopping mal maîtrisé peut entrainer des conséquences, parfois explosives !
Hop Creep
Depuis très longtemps, il était acquis que la refermentation était due à la présence de sucres dans le houblon. Cependant, aujourd’hui, la présence d’enzymes dans le houblon, telles que l'α-amylase, la β-amylase, et l'amyloglucosidase, a été démontrée. Ces enzymes sont capables d'hydrolyser les dextrines de la bière, produisant des sucres fermentescibles dans la bière finie, ce processus générant une super-atténuation. La sur-atténuation pose des problèmes aux brasseurs tels que la densité spécifique, le profil de saveur et la teneur en alcool. Mais un problème supplémentaire est l'augmentation du CO2, qui entraîne une surpression de l'emballage, provoquant l'explosion des bouteilles, surnommé « hop creep ».
Plus la température est élevée et plus le taux de contact est long, plus les dextrines sont décomposées en sucres fermentescibles. Une étude de l'Université d'État de l'Oregon a conclu qu'un houblonnage à sec plus court (1 ou 2 jours de contact) et à plus basse température, 10°C par rapport à 20°C, créait moins de fermentescibles.
Autres Problématiques de surdosage : amertume, ph et mousse
Alors que l’on a toujours considéré que l’amertume provenait du houblonnage côté chaud, de nouvelles recherches semblent démontrer que le dry hopping pourrait l’augmenter. Lorsque les ajouts de houblon en dry hop sont très élevés, cela augmenterait la présence d’humulinones, une forme oxydée des acides alphas, qui auraient une influence jusqu'à 10 fois supérieure à celle des polyphénols sur l'amertume sensorielle.
De même, lorsque les ajouts de houblons sont très importants, cela augmenterait le pH final de la bière, nuisant à sa buvabilité. Les théories actuelles sous-entendent que cela provient de la matière verte et non de la lupuline des pellets de houblon.
Effet collatéral, lorsque le pH augmente, la stabilité de la mousse diminue. Mais la tenue de mousse serait également influencée par des durées longues de houblonnage à cru, supérieures à 3 jours et par des températures au-dessus de 14°C.
Méthodes de Dry Hopping : statique, dynamique, iso-mix
L’optimisation du houblonnage à cru semble dépendre de la taille des équipements. En effet, plus la surface de contact du houblon avec le liquide est grande, meilleur est le transfert de masse des composés du houblon vers la bière. Le Dry Hopping est donc tout à fait adapté aux brasseries artisanales disposant de petites cuves, mais il constitue un véritable défi pour les cuves de brasseries plus grandes. Ainsi, on distingue plusieurs méthodes et matériels en fonction de la taille des brasseries et de leurs moyens.
Dry Hopping Statique
La méthode originelle de Dry Hopping la plus répandue dans les microbrasseries est l’ajout « simple » de houblon dans la cuve de fermentation. Des études ont observé une qualité d'arôme plus équilibrée entre 400 et 800 grammes de houblon par hectolitre ; au-delà les rendements sont décroissants en termes d'augmentation de l'arôme.
En statique, en fonction du matériel, la bière peut être exposée à l’air et les brasseurs agitent parfois leur brassin, conduisant à différentes problématiques.
L’agitation, si elle peut réduire le temps d'extraction et améliorer son efficacité globale, semble aussi modifier les caractéristiques aromatiques des houblons vers un caractère plus herbacé et favorise l'extraction des polyphénols, ce qui peut augmenter l'astringence de la bière.
Pendant le DH, l'introduction d'oxygène, inévitable, accélère le processus d'oxydation, faisant diminuer l’intensité des flaveurs. L’oxygène réduit la durée de conservation du produit, en affaiblissant le métabolisme de la levure. Afin d’éviter cette présence d’oxygène, des systèmes appelés « hopgun » et « bazooka » ont été développés pour les cuves « traditionnelles », permettant l’apport en houblon par injection de CO2. Cette injection contribue également à chasser l’oxygène résiduel de la cuve. Certaines cuves permettent cet apport par le fond afin de maintenir le houblon en suspension, améliorant ainsi considérablement l'extraction de l'arôme du houblon, en raison de l'augmentation de la surface de contact. Paradoxalement, d’autres études semblent montrer que l’apport en CO2 pour remettre le houblon en suspension peut entrainer la formation de mousse et la perte d'arôme.
Système Hop Gun – source : Czech Brewery System
Dry Hopping Dynamique
De nouvelles méthodes, dites « Dry Hopping Dynamique », ont été développées depuis les années 2000, faisant recirculer la bière entre la cuve et une unité externe. Cette unité externe peut être soit un filtre tangentiel, soit un filtre à plaques. La circulation de la bière augmente les contacts avec le houblon et permet de réduire les temps de houblonnages et la quantité utilisée, jusqu'à -50% par rapport au houblonnage sec statique. Un avantage supplémentaire réside dans l’utilisation du houblon comme filtre, remplaçant par exemple la terre de diatomée.
En revanche, il a un coût d'installation plus élevé en raison de l'acquisition des équipements et des aménagements éventuels. Les temps de nettoyage en sont par ailleurs plus importants.
Dry Hopping Dynamiques par filtre tangentiel et filtre à plaque – source : Advances in dry hopping for industrial brewing: a review
Iso-Mix External Drive (IMXD)
Cette nouvelle technologie, développée en 2017, utilise un mélangeur rotatif à jet, positionné sous la cuve, et une unité externe qui améliore la dispersion des solides et contribue à une suspension homogène du houblon dans la bière. Cette technologie permet une réduction du dosage du houblon de plus de 20%, une accélération de la décomposition et un gain de temps pouvant atteindre 15%. Cette technologie au coût plus élevé s’avère plus viable pour les brasseries ayant des capacités de production supérieures à 100 hL .
Conclusions actuelles sur le Dry Hopping
L'extraction des composés du houblon pendant le houblonnage à cru se fait relativement rapidement, généralement en 1 à 3 jours. Il est conseillé de ne pas dépasser les 3 jours. Une température « fraîche », de 10 à 14°C, semble idéale pour ne pas extraire trop de composés nuisibles à haute dose comme les polyphénols et réduire l’activité enzymatique conduisant au hop creep. Le houblonnage à cru peut même être envisagé en milieu de fermentation pour réduire l’extraction de résine et d’hydrocarbures astringents, et la dominance du goût vert de certains houblons.
Si une agitation est recommandée au moins une fois par jour pour augmenter l'efficacité de l'extraction, il faut être très vigilant à toute exposition à l’oxygène qui détériore les flaveurs du houblon.
Les types de houblons, leur forme de conditionnement, et le matériel utilisé doivent donc conduire à des tests réguliers. Les résultats organoleptiques seront différents en fonction de la méthode utilisée. Beaucoup de paramètres et de composés ne sont toujours pas correctement compris et analysés : le brassage revêt une dimension scientifique qui laisse présager de futures découvertes et des méthodes optimisant les flaveurs.
Références :
Advances in dry hopping for industrial brewing: a review - Fábio de Oliveira GOMES, Bernardo Pontes GUIMARÃES, Duan CEOLA & Grace Ferreira GHESTI : https://www.scielo.br/scielo.php?pid=S0101-20612021005008207
Dry Hop Best Practices: Using Science as a Guide for Process and Recipe Development - Scott JANISH : scottjanish.com/wp-content/uploads/2021/04/TQ-58-1-0402-01.pdf
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Qui n'a jamais entendu parler de "biotransformation" ? Aujourd'hui, ce mot s'est répandu dans le monde entier et fait partie du vocabulaire des brasseurs artisanaux. Malgré la complexité de la biotransformation, est-elle vraiment connue et bien comprise ? A-t-elle vraiment un impact sur nos bières ? Et surtout, comment en tirer profit ? Le présent article, de Joan Montasell publié originellement dans Brewer and Distiller International, tentera de répondre à toutes vos questions à ce sujet.
La biotransformation en soi est définie comme "la modification chimique apportée par un organisme à un composé". Bien que ce terme soit couramment utilisé en pharmacologie et en toxicologie, du point de vue du brasseur, il fait référence à l'interaction de deux ingrédients utilisés dans le brassage : la levure et le houblon. Le rôle de ces deux ingrédients dans la biotransformation sera abordé en détail, ainsi que l'utilisation d'enzymes exogènes pour influencer l'arôme et la saveur du houblon dans la bière.
Le rôle du houblon dans la biotransformation
Il est bien connu que le houblon est essentiel dans la production de la bière, principalement en raison de sa contribution à l'arôme et à l'amertume. Outre l'eau, la cellulose et diverses protéines, la composition chimique du houblon comprend des tanins (polyphénols), des résines de houblon et des huiles de houblon, chacun déterminant le profil organoleptique de la bière obtenue (tableau 1).
- Les polyphénols du houblon : Les polyphénols jouent également un rôle important dans le processus de brassage en raison de leur contribution au trouble non biologique (interaction protéine-polyphénol). Bien qu'ils soient également présents dans le malt, ils représentent jusqu'à 4 % du poids total des cônes de houblon séchés. Leur teneur dépend de la variété de houblon, de la zone de culture, de la technique de récolte et du degré de vieillissement [2].
- Résines de houblon : Les résines de houblon, ainsi que les huiles essentielles, se trouvent dans les glandes de lupulines du cône de houblon femelle. Elles sont principalement composées de résines dures et de résines molles, où se trouvent les acides amers. D'une manière générale, l'amertume est l'un des goûts les plus particuliers qui est associé à la bière, principalement en raison des molécules isomérisées d'acides α formées lors du processus d'ébullition du moût, appelées iso-α-acides.
- Huiles de houblon : La quantité d'huiles essentielles présente dans le houblon est très faible, mais leurs contributions au profil aromatique de la bière sont significatives. Cela est dû au faible seuil sensoriel des composés volatiles, notamment des thiols (groupe sulfuré des huiles de houblon), qui sont détectés à de très faibles concentrations. Le houblon séché contient entre 0,5 % et 3 % p/p d'huile, selon les variétés [2]. Ces huiles sont présentes dans une composition complexe comprenant jusqu'à 1 000 composés, tous issus d'un large éventail de classes chimiques [3]. Les huiles de houblon sont classées en trois groupes : fraction hydrocarbonée, fraction oxygénée et fraction soufrée [2]. Le linalol, un alcool monoterpénique de la fraction oxygénée, est considéré depuis quelques années comme un indicateur clé de l'arôme de houblon dans la bière [4]. Néanmoins, l'arôme et la saveur du houblon dans la bière ne doivent pas être attribués ni associés à une seule substance, car ils sont le résultat des interactions de nombreux composés et des synergies entre eux. Selon Takoi et al. (2010), les huiles de houblon telles que le géraniol et le β-citronellol affectent l'arôme global lorsque le linalol est présent en excès, créant un effet synergique contribuant de manière significative à une saveur fruitée et citronnée plus perçue dans la bière [5].
Le houblon contient un autre composé, le glycoside, qui joue également un rôle important dans la biotransformation. Par définition, les glycosides sont des molécules dans lesquelles une molécule de sucre est liée de manière glycosidique à une autre molécule. Dans la nature, on les trouve couramment dans les plantes et, en termes biologiques, ils jouent de nombreux rôles dans les organismes vivants, comme le stockage des produits chimiques ou même le transport des hydrates de carbone dans la plante et leurs libérations par hydrolyse. En brasserie, les glycosides dérivés du houblon sont principalement formés d'un alcool monoterpénique et d'un hydrate de carbone qui, à l'état combiné, constituent une molécule sans arôme et sans goût sucré. En outre, les composés aromatiques du houblon liés aux glycosides sont considérés comme contribuant à l'arôme du houblon dans la bière [6].
Depuis 2009, on observe une nette tendance à la croissance des variétés aromatiques plutôt que des variétés à alpha élevé, qui ont diminué au cours des dix dernières années, comme le montre la figure 1. En outre, les taux de houblon élevés ont augmenté au cours de la dernière décennie, ce qui suggère que l'arôme du houblon dans la bière est un attribut considéré comme très intéressant [8]. Cette forte demande de variétés de houblon aromatique, parmi d'autres facteurs de production, a conduit les brasseurs à rechercher des moyens nouveaux et innovants pour renforcer l'arôme et la saveur du houblon. En d'autres termes, la biotransformation du houblon peut devenir une solution potentielle pour optimiser l'utilisation du houblon en changeant la proportion de composés aromatiques spécifiques et, par conséquent, en modifiant la diversité des saveurs et des arômes de la bière.
Figure 1. Évolution du marché du houblon de 2009 à 2019 [7].
Le rôle de la levure dans la biotransformation
Sans levure, pas de bière. Ce micro-organisme est responsable de la transformation du moût en bière, un processus biochimique au cours duquel se produit la fermentation alcoolique, ainsi que la libération de dioxyde de carbone (CO2) et des composés aromatiques. Cependant, la levure est bien plus que cela. En 2003, King et Dickinson ont découvert pour la première fois une nouvelle biotransformation des composés du houblon par les levures qui avait un impact significatif sur la formation de l'arôme [9]. En outre, la levure est responsable d'une série de réactions modifiant la structure des alcools monoterpéniques pendant la fermentation, ce qui montre à quel point la biotransformation est complexe et diversifiée (figure 2). Selon Liu (2015), la biotransformation des terpènes oxygénés expliquerait au moins partiellement les différences d'arômes houblonnés entre le houblon brut et la bière finie, ainsi que certains autres volatils présents dans la bière [10]. Une étude plus récente de Sharp et al. (2017), a également conclu que les levures de brasserie (Saccharomyces spp.) présentent un éventail plus large de capacités d'hydrolyse des glycosides que ce que l'on pensait auparavant. D'autres études ont révélé l'importance de la levure dans la biotransformation, sur la base de la catalyse des liaisons glycosidiques dans la production de bières houblonnées [10] [11] [12] [13] [21].
Figure 2. Processus proposés pour la biotransformation des terpénoïdes par les levures [10].
Pendant la fermentation, où les cellules sont très actives, la levure sécrète naturellement des enzymes β-glucosidases de manière extracellulaire, celles-ci étant responsables de la réaction d'hydrolyse. La figure 3 montre le mécanisme de segmentation d'un composé non aromatique en un glucose et un linalol, permettant d'obtenir des composés plus aromatiques et des sucres fermentescibles dérivés d'une molécule de lynalyl glycoside.
Figure 3. Hydrolyse du glycoside de lynalyl libérant un sucre fermentescible et un terpène [14].
La libération des terpènes à partir des glycosides n'est pas la seule interaction entre la levure et le houblon, il existe d'autres exemples comme indiqués ci-dessous :
- L'estérification : Par définition, les esters sont une liaison entre un acide carboxylique et un alcool. Des études ont montré que la levure possède une activité estérase, ce qui entraîne l'estérification d'un certain nombre de composés du houblon. Par exemple, le géraniol et le citronellol, que l'on trouve naturellement dans le houblon, sont transformés en leurs formes acétates, l'acétate de géranyle et l'acétate de citronellyle, respectivement [9].
- Les thiols : Également connus sous le nom de mercaptans, les thiols sont une famille de composés aromatiques naturellement présents dans le houblon, soit libres, soit sous la forme de précurseurs inodores non volatils, qui peuvent être libérés par l'enzyme β-lyase. De nos jours, ils gagnent en popularité en raison de leur contribution à l'arôme de la bière, malgré leur faible concentration (moins de 1% des huiles de houblon), ainsi que le faible seuil de perception (parties par trillion ou ng/L). Comme l'a déclaré le professeur Shellhammer, "les thiols sont 10 000 fois plus puissants que le géraniol, mais ils ne sont présents dans le houblon qu'en quantités infimes" [15]. Les trois molécules thiol les plus abondantes en brasserie sont le 3SH (3-sulfanyl-hexan-1-ol, également connu sous le nom de 3MH), qui donne des notes d'agrumes et de pamplemousse, sa forme acétate 3SHA (également connue sous le nom de 3MH-A), qui donne des notes de fruit de la passion et le 4MSP (4-méthyl-4-sulfanylpentan-2-one, également connu sous le nom de 4MMP), qui est responsable de l'arôme de cassis [16].
Au cours de la fermentation, la levure Saccharomyces cerevisiae est capable d'absorber et de segmenter les précurseurs pour libérer les thiols libres, comme la 4MSP, grâce à l'activité β-lyase (Figure 4). De plus, les levures ont différentes capacités à révéler les thiols volatils en fonction de leur fond génétique et de leurs activités enzymatiques correspondantes [17]. Les thiols sont bien connus dans la recherche sur le vin depuis des décennies par rapport à la bière, ce qui reflète que davantage d'études sont nécessaires pour comprendre leur grand potentiel dans l'arôme de la bière.
Figure 4. Exemple de conversion d'un précurseur inodore en un thiol volatil par une levure [17].
Autres interactions : Les interactions entre la levure et le houblon peuvent également entraîner des effets indésirables, qui dépendent principalement du régime de houblonnage à sec pendant la fermentation. L'ajout de houblon en post-fermentation est pratiqué dans de nombreuses brasseries, mais les levures ne peuvent alors pas contribuer à la biotransformation. Un bref résumé des considérations relatives à la durée du houblonnage à sec est présenté dans le tableau 2. Parfois, la biotransformation peut être confondue avec une autre interaction entre la levure et le houblon, connue sous le nom d'effet de "hop creep". Ce phénomène est essentiellement décrit comme la refermentation observée dans une bière entièrement atténuée après un houblonnage à sec, et ses premières études ont été publiées en 1893 par Brown et Morris. Comme détaillé précédemment, des molécules de glucose sont libérées par l'hydrolyse des glycosides, bien que cela ne présente pas de problème du point de vue du brasseur, puisqu'elles sont métabolisées pendant la fermentation. Cependant, l'effet "hop creep" implique également la libération de molécules de glucose par l'action des enzymes amylolytiques, naturellement présentes dans le houblon, qui ont la capacité de dégrader les hydrates de carbone non fermentescibles (matière dextrine) en sucres fermentescibles.
Dans la brasserie artisanale, la plupart des bières ne sont pas filtrées, ce qui signifie qu'il reste des cellules de levure en suspension dans le produit final. Par conséquent, la combinaison de glucose libre et de cellules de levure peut entraîner une fermentation dans une bière conditionnée, ce qui conduit à des bières trop carbonatées, à la présence de diacétyle et à une teneur en alcool plus élevée, ce qui pose un problème de qualité pour les bières houblonnées. Comme l'ont récemment suggéré Stokholm et Shellhammer (2020), plusieurs facteurs peuvent favoriser ou réduire l'effet de " hop creep " afin de surmonter ce problème dans les bières houblonnées à sec, notamment la conception de la recette (composition du moût), la sélection de la souche de levure (hautement ou faiblement floculante), sa suspension pendant le houblonnage à sec, la méthode de houblonnage à sec (temps de contact et température), entre autres [19].
Le potentiel d'interaction entre la levure et le houblon a suscité un intérêt accru ces dernières années, à tel point que certains fournisseurs de levures commerciales se sont efforcés de mieux comprendre la valeur potentielle des souches de levure disponibles dans le commerce pour influencer la biotransformation et avoir un impact sur l'arôme et la saveur de la bière. La figure 5 en est un exemple : des souches de levure de brasserie disponibles dans le commerce ont été caractérisées par leur activité β-glucosidase, par le biais d'un test d'enzyme sécrétée à température ambiante. Néanmoins, il existe également des enzymes associées aux cellules, qui peuvent contribuer à la biotransformation lorsque la levure et le houblon sont en contact pendant la fermentation. En ce qui concerne les souches de fermentation haute ou basse, Sharp et al. (2017) ont conclu que rien n'indique que les levures lager ou ale présentent des activités plus élevées l'une de l'autre [12].
Figure 5. Caractérisation de l'activité β-glucosidase dans les souches de levure de brasserie Lallemand [14].
L'utilisation d'enzymes β-glucosidases exogènes
Dans la même étude menée par Sharp et al, un nombre total de 80 souches de levure ont été testées et classées en fonction de leur capacité à transformer les composés du houblon [12]. Bien que les résultats ne soient pas très encourageants, l'ajout d'enzymes pures a également été étudié, montrant un potentiel de biotransformation plus intéressant que les enzymes sécrétées naturellement par la levure. Se référant à l'une de ses études, Shellhammer rapporte que "l'arôme de houblon représente probablement environ 90% de l'arôme total du houblon dans la bière et que les glycosides n'en représentent probablement que 10%". Cependant, il mentionne également qu'une partie importante de l'arôme du houblon peut être libérée par ces glycosides [15]. Plus récemment, Meiners et Cavanna (2020) ont également testé l'utilisation d'enzymes commerciales, telles que la β-glucosidase et la β-lyase, afin de stimuler la biotransformation des terpènes et des thiols, respectivement [20]. Les résultats ont montré que l'utilisation d'enzymes offre une réelle possibilité de modifier le profil aromatique et/ou gustatif des IPA, même si les recettes doivent être adaptées en fonction des variétés et des quantités de houblon.
Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre la complexité des réactions impliquées dans l'utilisation d'enzymes exogènes et leur impact sur le profil organoleptique de la bière. En outre, il est également important de prendre en compte les nombreux autres facteurs qui pourraient jouer un rôle, tels que la sélection de la souche de levure, l'année de récolte du houblon, la variété et la composition de l'huile, son point d'addition, le temps/la température de contact levure-houblon, entre autres. En résumé, l'univers de la biotransformation est assez fascinant, et la sélection adéquate des souches de levures, des variétés de houblons et de leurs utilisations, ainsi que l'ajout d'enzymes exogènes, offrent aux brasseurs de nouvelles possibilités d'explorer de nouveaux moyens d'obtenir des bières aux goûts et aux arômes exceptionnels.
Article rédigé par Joan Montasell, MSc, Dipl. Brew, Responsable Technico-Commercial Lallemand Brewing Espagne et Portugal, et publié précédemment dans Brewer and Distiller International : https://www.ibd.org.uk/ibd-publications/coffee-break/
Remerciements : Nous remercions l'équipe de Lallemand Brewing pour son soutien sans faille et tout particulièrement Chaz Rice (Mascoma) et Tobias Fischborn (Lallemand R&D) pour leurs contributions.
Table 1. Composition du houblon [1]
Composant |
% du poids sec total |
Résines |
17 |
Huile essentielle |
0.6 |
Tannins |
4.5 |
Monosaccharides |
2.5 |
Pectine |
2.5 |
Acides aminés |
<0.2 |
Proteines |
17 |
Lipides et cire |
3.5 |
Cendres |
1 |
Cellulose, lignin, etc. |
45 |
Table 2. Effets du dry-hopping en fonction du moment d'ajout.
Dry-hopping |
|
Début de la fermentation |
Fin de la fermentation |
Réduction des huiles de houblon par extraction du CO2 |
Présence plus importante d'huiles de houblon en raison de la diminution du stripping du CO2 (contre-pression) |
Arôme de houblon masqué par d'autres composés de fermentation (par exemple, levure POF+) [13]. |
Réduction de l'oxygène dissous par la levure active |
Les huiles essentielles sont adsorbées par la membrane cellulaire de la levure et extraites de la bière lors de la floculation. |
Plus grande solubilité des huiles de houblon lorsque la teneur en éthanol augmente. |
Source: based on Sharp et al. (2016) [18].
RÉFÉRENCES
[1] Bamforth, C. W. (2004). Beer: Health and Nutrition (1st Ed.). Wiley-Blackwell Publishing.
[2] Almaguer, C., Schönberger, C., Gastl, M., Arendt, E. K., & Becker, T. (2014). Humulus lupulus - A story that begs to be told. A review. J. Inst. Brew., 120(4), 289-314. doi:10.1002/jib.160
[3] Eyres, G., and Dufour, J.-P. (2009). 22 - Hop essential oil: Analysis, chemical composition and odor characteristics. Editor(s): V. R. Preedy. In Beer in health and disease prevention (239-254). Elsevier Inc. doi:10.1016/B978-0-12-373891-2.00022-5
[4] Hanke, S. (2009). Linalool - A key contributor to hop aroma. MBAA - Global Emerging Issues.
[5] Takoi, K. et al. (2010). The contribution of geraniol metabolism to the citrus flavour of beer: synergy of geraniol and β‐citronellol under coexistence with excess linalool. J. Inst. Brew., 116(3), 251-260. doi:10.1002/j.2050-0416.2010.tb00428.x
[6] Kollmannsberger, H., Biendl, M., & Nitz, S. (2006). Occurence of glycosidically bound flavour compounds in hops, hop products and beer. Monatsschrift fur Brauwissenschaft, 59, 83-89.
[7] Barth-Haas (2019). Hop market update Barth-Haas Group (Last update Nov. 27th 2019).
[8] Lafontaine, S. and & Shellhammer, T. (2019). How hoppy beer production has redefined hop quality and a discussion of agricultural and processing strategies to promote it. MBAA TQ, 56(1), 1-12. doi:10.1094/TQ-56-1-0221-01
[9] King, A. J., and Dickinson, J. R. (2003). Biotransformation of hop aroma terpenoids by ale and lager yeasts. FEMS yeast research, 3, 53-62. doi:10.1016/S1567-1356(02)00141-1
[10] Liu, S.-Q. (2015). Impact of yeast and bacteria on beer appearance and flavour. Editor(s): A. E. Hill. In Brewing Microbiology (357-374). Woodhead Publishing Series in Food Science, Technology and Nutrition. doi:10.1016/B978-1-78242-331-7.00017-4
[11] Takoi, K., Koie, K., Itoga, Y., Katayama, Y., Shimase, M., Nakayama, Y., & Watari, J. (2010). Biotransformation of hop-derived monoterpene alcohols by lager yeast and their contribution to the flavor of hopped beer. Journal of agricultural and food chemistry, 58, 5050-8. doi:10.1021/jf1000524
[12] Sharp, D. C., Steensels, J., & Shellhammer, T. H. (2017). The effect of hopping regime, cultivar and β ‐glucosidase activity on monoterpene alcohol concentrations in wort and beer. J. Inst. Brew., 123, 185-191. doi:10.1002/jib.418
[13] Opstaele, F., De Rouck, G., Janssens, P., & Montandon, G. (2020). An exploratory study on the impact of the yeast strain on hop flavour expressions in heavily hopped beers: New England IPA. BrewingScience. 73, 26-40. doi:10.23763/BRSC20-04OPSTAELE
[14] Lallemand (2017). Best Practices: Biotransformation. Retrieved from www.lallemandbrewing.com/wp-content/uploads/2017/03/LAL-bestpractices-Biotransformation-digital-1.pdf
[15] Bullen, C. (2019, January 2). An uncharted wilderness - Understanding hop compound biotransformation. Retrieved June 6, 2020, from Good Beer Hunting: www.goodbeerhunting.com/blog/2018/12/19/an-uncharted-wilderness-understanding-hop-compound-biotransformation
[16] Hieronymus, S. (2018, Sep 19). The complex case of thiols. Retrieved Jun 7, 2020, from Craft Beer & Brewing Website: www.beerandbrewing.com/the-complex-case-of-thiols
[17] Lallemand (2019). Sauvy™ - The thiolic yeast. Internal communication, Lallemand Oenology.
[18] Sharp, D., Vollmer, D., Shellhammer, T. (2016). Recent advances in controlling flavor and aroma in hoppy beers. Craft Brewers Conference . Philadelphia, Pennsylvania.
[19] Stokholm, A. and Shellhammer, T. H. (2020). Hop Creep - Technical Brief. Brewers Association. Retrieved from www.brewersassociation.org/educational-publications/hop-creep-technical-brief
[20] Meiners, L. and Cavanna, M. (2020). Using exogenous enzymes to boost biotransformation. MBAA TQ, 57(1), 33-36. doi:10.1094/TQ-57-1-0330-01.
[21] Praet, T., Van Opstaele, F., Jaskula-Goiris, B., Aerts, G., & De Cooman, L. (2012). Biotransformations of hop-derived aroma compounds by Saccharomyces cerevisiae upon fermentation. Cerevisia, 36(4), 125-132. doi:10.1016/j.cervis.2011.12.005
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Première variété née du programme de recherche mené par le Comptoir Agricole, le houblon Aramis, avec son arôme très fin et sa teneur en acide alpha, se met au service de votre bière à tous les stades du houblonnage.
Origine
Le houblon Aramis est issu d’un croisement entre la variété anglaise WGV (Withbread Golding Variety) et la variété française noble Strisselspalt. Première variété de houblon née du programme de recherche du Comptoir Agricole dans les années 2000, il est commercialisé depuis 2009 et enregistré depuis 2011. Au niveau phénotypique, la plante se caractérise par des cônes plutôt denses et fermes, des rameaux latéraux horizontaux et des lianes plutôt raides, ce qui peut rendre délicate sa mise au fil. Le houblon Aramis est considéré comme tardif, de par son démarrage en végétation et sa floraison : c’est donc l’une des dernières variétés à être récoltées durant la saison. En Alsace, 70 hectares d’Aramis sont cultivés par 33 houblonniers en 2021. Cette variété est également disponible en bio mais elle est très sensible aux maladies, comme le mildiou et l’oïdium, rendant sa production incertaine d’une année sur l’autre.
Propriétés
Composés |
Teneur de l'Aramis |
|
Acides Alpha |
5-8 % |
|
Cohumulone |
21.5-21.7% |
|
Acides Beta |
3.8-4.5 % |
|
Colupulone |
42.1-42.2 % |
|
Huiles totales |
1.2-1.6 ml/100 g |
|
Myrcène |
40 % |
|
Humulène |
21 % |
|
Monoterpène |
46 % |
|
Sesquiterpène |
54 % |
|
Humulène / Caryophyllène |
2.55 % |
|
Linalool |
12-16 mg/100g |
A la faveur de ses origines, son arôme est fin avec des notes douces, épicées, légèrement d'agrumes et herbacée, comparable au Strisselspalt. Elle donne des bières fruitées, florales et houblonnées, dues aux sesquiterpénoïdes et grâce à sa haute concentration en linalool. Le profil aromatique d’Aramis est différent et plus complexe qu’un Hallertau Tradition par exemple, ce qui permettra au brasseur de réduire les doses pour obtenir le même résultat d’intensité aromatique.
Son taux d’huiles est 2 fois plus important que le Strisselspalt. Avec un taux d’acides alpha entre 5 et 8% et un taux de cohumulone faible, cette variété permet également une amérisation très agréable et peu longue en bouche, supérieure à celle du Strisselspalt et légèrement supérieure au Triskel, selon des tests effectués.
Utilisation dans la bière
Ce houblon peut s’utiliser dans différents styles de bière de fermentation haute ou basse : pour des Lagers et des Pils, des Pale Ales et IPAs, mais aussi dans des Bières de saison, des Triples Belges ou bien des Porters.
La brasserie Ninkasi l’utilise en aromatique pour sa French IPA, donnant des notes épicées et herbacées qui ont beaucoup de succès : « nous avons voulu élaborer une IPA française en dehors des sentiers battus, en n’utilisant pas des houblons américains fruités habituellement utilisés pour ce type de bière » nous explique David Hubert. Il est ajouté en houblonnage tardif en whirlpool pour capturer le maximum d’arômes en complémentarité du Mistral.
Romain Flesch des Bières du Donjon l’utilise presque dans toutes ses bières : blonde, blanche, ambrée, brune, IPA, blanche à la rose, quintuple, triple, stout et cerise. Dans les IPAs, l’Aramis est ajouté en dry hop comme amérisant, en complément du Triskel en aromatique. Il est également complémentaire au Strisselspalt dans d’autres bières. Les flaveurs obtenues vont des fruits blancs aux agrumes, tout en donnant un arôme un peu vert.
L’Aramis est aussi utilisé dans une bière belge très renommée, l’Orval, comme amérisant, en complémentarité des houblons Hallertau Tradition et Tomahawk.
En Suisse, Stefan Jakob de la brasserie Père Jakob, l’utilise en amérisant, en cuisson et houblonnage à cru. Il le trouve très complémentaire au Triskel, « le caractère du Triskel s'efface s’il est utilisé avec des houblons plus aromatiques tels que le Comet ou le Cascade ».
Nicolas Sanchez de la Brasserie Loro l’utilise quant à lui en aromatique dans sa bière Blonde. « Nous recherchons des notes houblonnées plutôt fruitées et herbacées, tout en gardant l'expression du corps malté de la bière. L'Aramis apporte ces flaveurs tout en finesse. Dans notre blonde, il est associé au Barbe Rouge en aromatique» nous explique-t-il.
L’Aramis est ainsi un houblon polyvalent qui vous aidera à atteindre vos objectifs en amertume ou en aromatique, tout en étant très complémentaire à d’autres houblons comme le Triskel, le Barbe Rouge ou bien le Strisselspalt. A tester donc en urgence, si vous ne l’avez pas encore fait !
Consultez la fiche de l'Aramis sur le catalogue
Voir sa disponibilité sur le site Hop France
Liens Brasseries
http://www.lesbieresdudonjon.fr
https://www.ninkasi.fr/
https://www.biereloro.fr/
http://www.perejakob.ch/
https://www.orval.be
V.F.
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Dossier Labels Partie 2
En 2022, la règlementation sur le bio évolue : l’occasion de faire un point sur ce label et d’autres certifications engagées. Les certifications peuvent être un atout pour une brasserie afin de s’inscrire dans une démarche de développement durable et de mettre en avant ses engagements environnementaux et sociétaux auprès de ses clients, mais aussi pour accéder aux réseaux de distribution comme les magasins bios ou locaux, dont les ventes ont explosé durant les derniers confinements. Si les labels bios les plus connus sont publics, d’autres labels privés ont également une démarche pertinente.
Agriculture Biologique AB - Nature et Progrès - Demeter - Autres labels engagés RSE - Labels géographiques
Les Labels officiels bios Agriculture Biologique (AB)
On les aperçoit le plus souvent côte à côte sur les produits bios : le label français Agriculture Biologique (AB), créé en 1985, et celui européen, arrivé avec les premiers règlements de la communauté dans les années 90. Ils garantissent le respect de l’environnement. Leurs critères sont alignés depuis 2009 et le label bio européen a pour vocation de se substituer, à terme, à celui national. Le logo français AB est d’ailleurs facultatif. S’ils cohabitent encore, c’est que leurs notoriétés auprès du grand public ne sont pas les mêmes : si 98% des français identifient le logo français AB, ils ne sont que 65% à reconnaître le logo européen, « Eurofeuille », en 2020, selon une étude de l’Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique (dite Agence Bio). Le logo européen est pourtant un peu plus informatif, puisqu’il précise l’origine de la matière première agricole, UE ou non UE, et donne le code de l’organisme certificateur.
La certification bio reposait jusqu’alors sur les règlements cadres européens n°884/2007 et d’application n°889/2008.
Pour faire certifier ses bières en bio, il faut qu’au moins 95% des ingrédients soient bios. Chaque fournisseur doit ainsi vous fournir un certificat ainsi qu’une attestation garantissant le non-OGM et la non-ionisation. Cependant, certains ingrédients non bios sont autorisés s’ils ne sont pas disponibles en bio. Ils figurent dans la liste du règlement européen (n° 889/2008, annexe IX). On y retrouve, par exemple, la noix de colas ou les graines de raifort. Il faut également être vigilent à la qualité de son eau, en réalisant des contrôles annuels.
Jusqu’à présent, les brasseurs pouvaient obtenir des dérogations pour des ingrédients non disponibles en bio, comme le houblon (toutefois, l'étiquetage doit faire apparaître la liste de toutes les variétés de houblons en indiquant celles qui sont biologiques et celles non biologiques). Le nouveau règlement européen n°2018/848, entrant en vigueur en 2022, supprime cette possibilité. Autre modification du règlement en 2022 concernant l’étiquetage : en cas d’utilisation d’arômes, il faudra préciser la source : « arôme de xyz » au lieu de « arôme naturel ». Ce qui est paradoxal dans le cas de la bière où la liste des ingrédients n’est pourtant pas obligatoire, même si à la rédaction nous sommes pour qu’elle le soit.
!!! Attention : La nouvelle liste des ingrédients non disponibles en bio autorisés à partir de 2022 n’est toujours pas disponible à ce jour. Des dérogations exceptionnelles pourraient également apparaître pour le houblon, avec la mise en place éventuelle d’une période de transition de 2 ans. Tout ceci est au conditionnel : il faudra donc veiller à ces nouveaux règlements d’ici la fin de l’année et/ou vous rapprocher de vos organismes certificateurs. Nous mettrons donc à jour cet article prochainement.
Au niveau de la production, du stockage et de la fabrication, les produits bios doivent être séparés du non-bio. Des nettoyages doivent être effectués en cas de matériel à usage mixte pour éviter toute contamination, ce qui ne change pas trop le quotidien des brasseurs habitués à passer la plus grande partie de leurs temps à nettoyer. La problématique se retrouvant dans les brasseries étant celle de la place disponible et de la concomitance des brassins, beaucoup de brasserie choisissent alors de produire uniquement dans un unique mode : bio ou conventionnel. Peu ont une production mixte. Des fonds régionaux peuvent vous soutenir dans la transformation de votre activité en bio.
Par ailleurs, vous pouvez utiliser les céréales et le houblon que vous auriez éventuellement cultivés par vous-même, mais il faudra démontrer que vous avez respecté les normes bios.
Dans chaque région, des organismes certificateurs agréés par l’INAO (Institut NAtional de l’Origine et de la qualité) devront auditer la conformité de vos recettes et de vos process afin d’obtenir le label, et reviendront vérifier régulièrement le respect des règles. En moyenne, le délai est d’un mois et demi entre l’audit et la certification. A noter que ces organismes proposent régulièrement des formations sur le bio poru les brasseries.
En 2019, la bière bio a connu une augmentation des ventes de 24%. Début 2021, on comptait 450 brasseries en France produisant uniquement des bières biologiques.
Règlement UE 889/2008 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32008R0889
Règlement UE 2018/848 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32018R0848
Déclaration et Liste des organismes certificateurs : agencebio.org
Le label Nature et Progrès, biodynamie et RSE
Nature et Progrès est une association pionnière, créée en 1964, ayant originellement pour but la promotion du développement de l'agrobiologie et de la biodynamie, en France et en Belgique. Nature et Progrès a élaboré le premier cahier des charges de l'agriculture biologique en 1972, conduisant aux premières attributions des mentions Nature et Progrès en 1973. En 1986, les pouvoirs publics français homologuent le cahier des charges de Nature et Progrès comme cahier des charges officiel de l’agriculture biologique. Par la suite, ce label prendra ses distances avec le label bio, qui ne prend en compte que les pratiques respectueuses de l’environnement, afin de défendre une vision plus globale qui intègre des aspects sociaux et économiques. Il se définit aujourd’hui comme étant engagé dans l’agroécologie paysanne, « système où l’homme utilise la biodiversité et la nature pour produire une alimentation saine, nutritive et diversifiée pour tous, permettant la sécurité et la souveraineté alimentaire des peuples. ». Les brasseries peuvent bénéficier de ce label depuis 2013.
Les grandes différences avec le label bio se situent ainsi dans les volets socio-économiques et environnementaux globaux qui ne sont pas pris en compte dans la certification AB : conditions de travail décentes, circuits courts privilégiés, activités à taille humaine, entraide, échanges, lien social encouragé, limitation de la mécanisation et de la technologie, respect de la saisonnalité, gestion durable des biens communs (eau, énergie, sol), écoconstruction préconisée, réduction des déchets, des rejets et des emballages. N&P se veut ainsi garantir des produits éthiques et équitables, qui font vivre dignement les producteurs, et visent à des relations commerciales solidaires.
Les brasseries qui souhaitent bénéficier du label doivent ainsi s’engager dans la charte des valeurs Nature et Progrès et respecter un cahier des charges très précis : qualité des matières premières, origine et qualité de l’eau, fermentations, augmentation du titre alcoométrique, produits de traitement, matériel de brasserie et procédé de brassage, hygiène et gestion de l’eau, et gestion de l’énergie. Elles seront contrôlées par les consommateurs et professionnels adhérents de l’association. En 2021, ce sont 44 brasseries qui sont labellisées N&P.
Le cahier des charges N&P est téléchargeable ici : https://www.natureetprogres.org/les-cahiers-des-charges-2/
Le label Demeter, l'origine des labels de biodynamie
Demeter est la plus ancienne certification en biodynamie en Europe. Créée en Allemagne en 1932, elle se base sur la vision anthroposophique de la nature, développée par Rudolf Steiner. Demeter est aujourd’hui présent dans 60 pays. En France, cette labellisation est utilisée par plus de 1000 producteurs agricoles, dont des vignobles. Si trois brasseries françaises ont été certifiées Demeter par le passé, dont la brasserie Sulauze qui a participé à la rédaction du premier cahier des charges, plus aucune ne l’est actuellement, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse. Guillaume de la brasserie Sulauze nous a expliqué l’arrêt de cette labellisation par la difficulté à faire produire ou à trouver du malt produit selon les principes Demeter, puis par le changement d’organisme certificateur qui ne certifiait pas ce label.
Pour obtenir la certification Demeter, il faut d’abord être certifié bio et respecter les valeurs,- écologie, développement humain, création de valeur économique, relations sociales et impact cosmique et spirituel-, et le cahier des charges de production, transformation et étiquetage de l’organisme. Le principe de base pour la bière est qu’elle doit être produite selon “l’art traditionnel de brassage”, privilégiant des matériaux issus eux-mêmes de processus naturels. Par exemple, l’eau doit provenir d’une eau souterraine, la moins polluée possible, les houblons en cône sont à privilégier (les pellets 90 sont tolérés, mais les pellets 45 et les extraits sont interdits). Le conditionnement doit être fait dans des bouteilles en verre et des fûts/tonneaux en acier inoxydable ou en bois, les canettes sont proscrites. D’autres principes généraux incluent le respect du calendrier lunaire ou la dynamisation de l’eau. Le contrôle est effectué annuellement. Ce label pourrait être adopté par des Fermes Brasseries faisant de la micro-malterie.
Cahier des charges : https://www.demeter.fr/wp-content/uploads/2020/07/Cahier-des-charges-Demeter-Production-et-Transformation-2020.pdf
D’autres labels bios existent en France mais ne concernent pas la bière. On les retrouve par exemple dans le vin : Biodyvin, Terra Vitis, label HVE pour Haute Valeur Environnementale, Bioentreprisedurable (BIOED) ou bien Biocohérence dont le cahier des charges interdit la vente en grande distribution afin de développer la vente directe et les réseaux spécialisés bio.
Autre : Le logo épi-barré, pour les produits sans gluten
Créé par l'Association Française Des Intolérants Au Gluten (AFDIAG). Pour apposer ce logo, les entreprises doivent faire analyser tous les ans chaque produit porteur du logo par un laboratoire et faire auditer leur site de fabrication au Standard AOEC. Les produits doivent avoir une teneur en gluten inférieure à 20 mg/kg
Site de l'AFDIAG : https://www.afdiag.fr/au-quotidien/le-logo-epi-de-ble-barre/
Autres Labels engagés
De nouveaux labels engagés sont en train de se mettre en place, tant au niveau environnemental que sociétal, inspirés notamment du label B-Corp :
Le label Bio. Français. Equitable
Nouveau venu en 2021, ce label créé par la FNAB (Fédération Nationale d'Agriculture Biologique des régions de France), veut aller plus loin que le label Bio pour les producteurs et les agriculteurs. Par le maintien et le développement du patrimoine environnemental, la construction de filières basées sur la coopération et la transparence, la relocalisation des approvisionnements et des circuits de distribution, et le maintien d'un tissu de fermes diversifiées, le label Bio. Français. Equitable veut assurer la pérennité et couvrir les besoins fondamentaux des producteurs et de leur famille par des prix justes.
Le label Agri Ethique
Depuis 2013, le premier label du Commerce équitable et français, ayant pour objectifs de Garantir une juste rémunération pour les agriculteurs, de Préserver l'emploi local, d'Agir pour l'environnement et le bien-être animal. L'organisme est certifié par Certipaq. Le label s'adresse aux coopératives, aux exploitations agricoles mais aussi aux boulangeries et aux brasseurs. La brasserie La Coopine de Vendée est l'une des premières brasseries à être certifiée.
Lien : https://www.agriethique.fr/le-label/
Le label Entreprise à mission
Les entreprises peuvent depuis la loi PACTE de 2019 inscrire une « mission » dans leur statut. Celle-ci se définit par une raison d’être et des engagements sociaux et environnementaux qui sont contrôlés par audit tous les 2 ans. La brasserie Deck et Donohue est la première à mettre en place cette labellisation par des actions « valorisant des modes d'approvisionnement, de production et de consommation responsables et durables » dont voici, pour exemple, les objectifs :
1. Soutien à la transition agroécologique, valorisation des filières locales, empreinte environnementale de production minimisée ; 2. Croissance partagée : transparence, formation, responsabilisation, partage de la valeur avec notre équipe ; 3. Promotion d’une consommation saine et responsable, génératrice de plaisir, de lien social et de questionnement ; 4. Travail de sensibilisation aux enjeux environnementaux et sociaux auprès de l’ensemble de son écosystème.
Lien : https://www.entreprisesamission.com/
Le label Entrepreneurs Engagés (PME+)
Le Label PME+, entreprises éco-responsables et citoyennes, s’adresse aux TPE, PME ou ETI françaises ou européennes ayant une démarche RSE, qui sont dirigées par des entrepreneurs présents au capital. Elles doivent disposer d’une filiale en France (pour les entreprises européennes) , facturer, payer des impôts et créer des emplois sur le territoire français. L’entreprise doit être attachée à des pratiques éthiques et responsables et être fournisseur de la GD (grande distribution), RHD (restauration hors domicile), GSS (grande surface spécialisée), circuits spécialisés, e-commerce. Ce label est soutenu par les grandes enseignes et la RHD. Ce label est porté par la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France (FEEF).
La brasserie Castelain est labellisé PME+ et est engagée sur plusieurs points : Emballage/Recyclage avec une consigne appliquée au niveau local, tri et revalorisation des déchets ; un sourcing responsable avec des contrats de fournitures pluriannuels et un approvisionnement local dès que possible ; Alimentation et Santé avec un étiquetage complet détaillant tous les ingrédients ; un Engagement sociétal et une Qualité de vie au travail avec la mise en place d'une politique de bien-être au travail et travail à l’ergonomie.
Lien : https://www.label-pmeplus.fr/le-label/
Les Labels Géographiques
La règlementation concernant le lieu de production de la bière oblige à indiquer ce dernier sur l’étiquette. Certains labels peuvent éventuellement améliorer la reconnaissance de la provenance que ce soit pour une commercialisation locale ou même internationale, au delà des appellations d’origine (IGP : Indication Géographique Protégée ; AOP : Appellation d’Origine Protégée ; AOC : Appellation d’Origine Contrôlée ; STG : Spécialité Traditionnelle Garantie) qui ne concernent pas encore la bière française, même si le Collège Culinaire de France aimerait mettre en place certaines appellations. A noter qu’en Europe, la bière Tchèque ou de Munich ont obtenu une IGP, et que certaines bières belges sont STG : Gueuze, Vieille Gueuze, Kriek, Vieille Kriek et Faro (peut-être pour échapper à la taxe Premix...)
La mention d'origine permet de mettre en valeur les producteurs locaux, elle fait partie également des stratégies de marque et influence leur story-telling. Presque chaque région en possède au moins une : Fabriqué à Paris , Alsace, Sud-Ouest, Made in Jura, Produit en Bretagne, Sud de France, Saveur du Tarn, Saveurs de Normandie, de Lozère, Produit en Nouvelle Aquitaine, Nou la Fé (Produit à la Réunion)… Ces labels sont des « marques collectives », des « marques de garantie », ou bien des « marques collectives communautaires », régis par le règlement (CE) n° 207/2009.
Depuis 2019, en France, la loi Pacte relative à la croissance et la transformation des entreprises distingue deux types de « marques collectives » :
La marque collective qui remplace l’ancienne « marque collective simple », et qui distingue les produits ou les services, des personnes autorisées à utiliser la marque en vertu de son règlement d’usage. Cette marque ne peut être déposée que par une personne morale représentant des fabricants, des producteurs, des prestataires de services ou des commerçants, ainsi que toute personne de droit public.
La marque de garantie qui remplace l’ancienne « marque collective de certification » et qui distingue les produits ou services pour lesquels la matière, le mode de fabrication ou de prestation, la qualité, la précision ou d’autres caractéristiques sont garanties. Cette marque peut être déposée par toute personne physique ou morale n’exerçant pas une activité ayant trait à la fourniture des produits ou services garantis.
La marque collective européenne assure quant à elle une protection à l’échelle de l’Union Européenne. Elle permet d’enregistrer des signes ou indications pouvant servir à désigner la provenance géographique.
Au niveau national, il est possible d’apposer la mention Fabriqué en France / Made in France (MIF), régie par les règles d’origine non préférentielles européennes. Le produit prend alors l’origine du pays où il a subi sa dernière transformation substantielle.
Cette mention reste floue quant à l’origine des matières premières, d’où l’apparition d’une marque collective privée : Origine France Garantie (OFG) qui est certifiée. Le label OFG peut être obtenu sous deux critères cumulatifs : le produit prend ses caractéristiques essentielles en France et entre 50% et 100% du prix de revient unitaire est français.
Lien : http://www.originefrancegarantie.fr
Nous reviendrons dans la prochaine partie du dossier sur les marques collectives propres aux Brasseurs : Brasseur indépendant, Profession Brasseur, …
Mettre en place une labellisation est une démarche sur le long terme qui peut requérir une transformation presque totale de son processus de fabrication. La philosophie sous-jacente est dans la lignée des engagements de développement durable et des attentes de la nouvelle filière artisanale et de son public. Une des problématiques principales vient de l’approvisionnement en matières premières bios et/ou locales, souvent importées, même si les producteurs français augmentent leur surface chaque année, à l’image d’Hop France avec le houblon bio en Alsace, ou Les Maltiers, avec des malts provenant d’orges régionaux. Si le débat « bio importé versus bilan Co2 » est toujours d’actualité, il va aussi dans le sens d’une démarche holistique de développement durable, de production et d’achat local et national. Avec l’accroissement de la concurrence, des doubles certifications peuvent être un atout pour se démarquer et mieux se faire distribuer.
Vincent F.
Partie 1 : Les Concours de Bières en France et dans le Monde
Références :
https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2021/03/Rapport-de-resultats-Barometre_Agence-Bio_Spirit-Insight-Edition-2021_mars.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Agriculture_biodynamique
https://deck-donohue.com/notre-mission
https://www.inao.gouv.fr/Les-signes-officiels-de-la-qualite-et-de-l-origine-SIQO
https://www.entreprises.gouv.fr/fr/industrie/politique-industrielle/made-france